oppofés à cet avis ; qu’ils avoient repréfenté à l’affemblée le
tort que cette action feroit à leur pays, &c. qu’enfin ils avoient
rappelé ia guerre de Sainte-Marie, & ia vengeance -que nous
avions tirée de i’alîkffinat qu’on y avoit commis ii n’y avoit
pas encore bien des années. On nous ajouta que le parti oppofé
avoit répondu qu’en fuyant dans les montagnes, on fe mettroit
à l’abri de toute pourfuite, & que les Blancs n’iroient point
y chercher les Noirs ; malgré cela, on nous aifura que l’avis ne
paffa point, & que ces deux Chefs firent revenir les autres.
Il faut avouer qu’à cette nouvelle, M. de Lavai fut on
ne peut pas plus étonné ; il ne ia pouvoit croire : cependant,
en homme prudent, ii ne négligea rien; il fit promptement
defeendre quatre-vingt bons Matelots , fur lefquels on pût
compter ; on les arma ; on defeendit. auffi deux canons de
bord: nous formâmes donc un corps d’environ cent hommes;
c’étoit une armée refpeélâble pour Foulpointe : on établit des
polies & des Sentinelles aux extrémités du quartier, & ces
polies étaient vifités perpétuellement pendant la nuit, par trois
Officiers qui failoient le quart pendant deux heures, en failànt
perpétuellement le tour du quartier, j
Pendant ces préparatifs, pour prévenir les bruits vrais ou faux
qui s’étoient répandus, mes Oblervations allronomiques étant
terminées, je tranlportai tous mes Journaux & mes livres à
bord; & quoique j’y pulfe relier auffi, ia confiance que j’avois
à M. de Laval & l’attachement que je lui portois, me firent
relier à terre avec lui ; je voulus même être du nombre de
çeux qui faifoient le quart pendant la nuit : M. de Laval me
le permit pendant les deux premiers jours ; mais je fus fort
étonné la troifième nuit qu’on devoit venir m’éveiller à deux
heures du matin pour faire ma ronde jufqu’à quatre, je fus,
'dis-je, fort étonné de m’éveilier à fix heures du matin, en
me trouvant fort tranquillement dans mon lit : M. de Laval
avoit donné ordre qu’on me lailîàt dormir.
Marouahomhé ayant appris que nous étions armés, prit auffi
les armes. Ainfi préparés, nous envoyâmes chercher, vers les
neuf à dix heures du foir, les Chefs de ce village & celui
d’un autre village voifm; aucuns ne vinrent; ils le contentèrent
d’envoyer quelques perfonnes affidées , qui arrivèrent vers
minuit: On leur déclara que s’ils nous voyoient armés, ce
n’étoit point dans i’intention de ieur faire aucun mai, mais uniquement
de nous défendre ; on leur raconta en même temps ce
qu’on avoit entendu dire : ils nous répondirent que le bruit
étoit faux, qu’il n’y avoit perionne dans tout le pays, en état
d’exécuter une pareille entreprilè , &c. Quoi qu’ii en loit,
nous fumes fur nos gardes pendant le relie de la nuit.
Zanhare arriva le lendemain avec environ fix cents hommes,
& tout le monde fe fournit, du moins pour le moment. Les
Députés s’étoient retirés chacun à ieur village; mais l’affurance
qu’ils nous avoient donnée de la fauiiëté des avis que nous
avions reçus , ne nous empêcha pas de continuer à nous
bien garder.
Le lendemain, à deux heures après midi, parut enfin la
flottille ; elle étoit compolee de plus de quarante pirogues,
grandes & belles : à cinq heures du foir, toute cette flottille
étoit rendue à i’entrée du Barachoua. Il faifoit ie pius beau
temps du monde ; il me fembloit voir ces armées navales des
Grecs, fi pompeuiement décrites par les Poètes ; ou encore
la flotte d’Enée , quoiqu’infiniment inférieure en nombre de
Yaiffèaux à celle de Zanhare, mais faits doute guère mieux
équipée: ies Vaiffèaux d’Énée fe hailoient au plein comme
ceux de Zanhare.