car nous avons été en route l’inftant d’après. Nous avons dépaffé
¡’île de Cantaye & fommes allés à la première pointe, au mouillage
indiqué par M. d’Après, où nous avons laifle tomber l’ancre à
¡’entrée de la nuit par vingt-une brades. Entre la pointe du Capuchon
& l’île Cantaye, on trouve un banc de fable fur lequel il y a
trente‘brades d’e^p , félon une inftruétion de M. d’Après,; nous y
avons fondé & y avons trouvé le même nombre de bradés.
Nous fommes reliés huit jours dans le détroit ; il n’a qu’environ
trente lieues de longueur, mais il doit toujours être un peu long à
palfer ; au relie il ne m ’a point ennuyé, j’étois, au contraire, en
quelque forte fâché d’en fortir, tant il me faifoit de plaifîr à voir.
Imaginez-vous, Monfieur, la plus belle mer du monde, aufli
unie que le peut être la Seine ( que vous avez vue ) pendant l’été.;
d’un côté c’eft l’île de Java, .dont vous n’êtes jamais à plus d’une
lieue ; car il faut avoir grande attention à ne pas perdre le
fond, de rallier toujours l’île & de mouiller fi le vent manque,
ou qu’il foit fi foible qu’on ne puiife pas fe foutenir ; de l’autre
côté vous voyez plufieurs Ifles, celle du Prince & la grande île de
Sumatra : rien ne m ’avoit encore paru fi agréable dans la navigation.
L ’afpedt de toutes ces Ifles, & les différens points de perfpeétive
qu’elles offrent, n’ont rien de comparable pour l’agrément.
L ’île de Java eft une. terre fort élevée en général, mais les principales
montagnes font fort loin des bords de la mer; cette terre
■-eft toute couverte de bois jufque fur le bord de la mer, les arbres
ont même exaélement le pied dans l’eau quand la mer eft haute;
lorfqu’elle eft balle ils paroifTent dégagés, & alors on voit le rivage.
Un des pilotes François qui fut à terre pour chercher du fable,
nous rapporta que par les marques qu’il avoit vues , -il avoit jugé
que la mer marne fur cette côte de deux à trois pieds.
La partie de l’île du Prince que l’on voit ¡en entrant, & qui
répond vjs-à-vis la pointe de Bonne-arrivée, eft aufiï couverte de
bois, & en apparence-très - beaux ; le bord de la mer préfente ie
coup - d’oeil le plus agréable & le plus charmant : on croit voir
fortir du fein des eaux la plus belle charmille du monde taillée
a v e c art; derrière s’élève en amphithéâtre une vafte forêt ornée
fur les côtés de deux petites montagnes égaleirflnt- couvertes de
hois.
Le terrein de Java s’abaifïê infenfiblement en approchant de
la mer; les bords font des plaines ; les hautes montagnes du
centre ou du milieu de l’Ifle font précédées par d’autres beaucoup
moins hautes & voifines du bord de la mer: celles-ci paroifTent
être les débris des premières ou principales : comme elles font par
cette raifon les moins élevées & les meilleures pour la qualité du
fol, on y voit des efpèces d’habitations ou de terreW défrichés
qui paroifTent à environ une lieue des bords de la mer, qui font,
comme je vous l’ai marqué, tout couverts de bois. Sans doute les
Naturels de l’Ifle. ont préféré pour s’établir, ces collines, parçe que
leur élévation fait que l’air doit y être plus falubre qu’il ne l’eft
daus les plaines fur le bord de la mer ; mais fi depuis ces habita-
tions jufqu’à la mer le terrein étoit abfolument découvert, l’air
lèroit encore plus fain.
On eft long-temps à pafîêr le détroit à caufe de la grande hauteur
de l’Ifle , qui interrompant les vents généraux, fait qu’on ne peut
trouver dans le détroit de la Sonde, des vents conflans de Sud-eft
& d’Eft-fud-eft, comme on les trouve de l’autre côté de l’IUe,
qui eft au vent, mais à la place beaucoup d’irrégularités & de calmes.
C ’eft ici, Monfieur, comme à votre quartier de Saint- Paul,
où les vents généraux font prefque inconnus. Les brifes doivent
foufüer ici plus généralement,- pendant cette faifon, du Nord-oueft
au Sud-fud-oueft, & ce vçnt ne peut être qu’une efpèce d’échappée
de vent ou de: folle vente, comme votre brifè de Saint-Gilles.
. La nuit les brifes doivent être de terre, & le jour elles doivent
tourner au Sud & Sud-fùd-oueft, & ne fe faire lèntir que quelque
temps après que la brife du Sud-eft le fera déclarée de l’autre côté
de l’Ifle; & c’eft encoreici comme à votre quartier de Saint-Paul j
où I on, ne nefïènt la brife de Sainl-é.î/its que tard, pendant qu’à
Saint-Denys & au Sud de l’Ifle., la brife du Sttd-eil eft prefque
toujours déclarée de grand marin.