couvert d’arbres, & en partie d’une efpèce de pâturage que
l’on nomme fataque ; cette herbe > qu’on a tranlplantée à
l’Ifle-de-France, & qui y vient très-mal ou même point
du tout, a par-tout, à la baie d’Antongil, huit pieds 8c
même plus de hauteur, & fait un excellent pâturage pour
les boeufs.
La vie eft très-bonne à la baie d’Antongil, & elle y eft
prefque pour rien ; le boeuf eft beau & bon ; la volaille y
eft excellente, tendre & très-greffe: le gibier, le poiflon
y font très-communs. Nous étions fept à huit de table , 8c
nous comptions quelquefois que nos repas, dont les moindres
auroient coûté à l!Ifle-de-France ( au prix où y étoient alors
les chofes) foixante-dix à.quatre-vingts livres, fans le pain
& le v in , ne revenôient pas à la baie d’Antongil à quatre
livres dix fous ; une aune ou deux de mauvaife toile bleue
de l’Inde, étoient la valeur ordinaite d’un de ces repas.
On trouve là une eipèce de gibier qu’on appelle poule de
lo is ; cette poule eft excellente 8c préférable, à mon avis,
au faifan : le nom de poule de bois qu’on a donné à ce
gibier, lui convient bien ; à le voir, on le prendrait pour
une véritable poule domeftique : M. de Flacôurt en parle.
Nos légumes viennent très-bien à la baie d’Antongil,
même fur la digue de-iàble où j’ai dit que nous étions
établis ; j’y ai mangé des choux beaux 8c bons , qui y
avoient été fomés trois mois avant mon arrivée , par un
Officier que M. de Laval y avoit envoyé pour la Traite du
riz; car pour avoir des légumes à Madagafcar, il faut les y
femer foi-même chaque année: les Noirs ne s’embarralfont
point des légumes qu’il faut fe donner la peine de cultiver;
ils trouvent en quantité dans les bois, les brettes ( eipèce
d'épinard fauvage fort amer ) qu’ils cuifent dans l’eau 8c
qui font tous leurs légumes.
Enfin, il ne manque en cet endroit charmant que de l’eau
douce; la mer fe mêlant avec la rivière, l’eau n’en eft pas bonne
à boire : nous étions obligés d’en faire venir de l ’île Marotte.
A l’égard des habitans, ils ne font pas fi délicats ; ils ont
des puits creufés dans le fable, qui ont huit à dix pieds au
plus de profondeur ; ils en retiennent les bords avec de
vieux troncs d’arbres creufés ou avec des planches : ces puits
ne tariffent jamais , mais l’eau en eft faumâtre ; elle pourrait
cependant fervir dans le befoin.
On n’a dans ce pays ni cruches, ni pots pour mettre fon
eau; au Fort - dauphin, on fe fert de calebaffes ; à Foul-
pointe 8c à la baie d’Antongil, de bambous.
Le bambou eft une eipèce de roleau dont les noeuds font
plus ou moins éloignés les uns des autres, mais' qui ne le
font pas au-delà de dix-huit pouces: ces rofeaux font fort
droits à Madagafcar; ils fortent de terre en alperge, 8c iis
ont cette propriété fingulière avec i’aiperge légume, qu’ils
fortent de terre dans la groifeur qu’ils doivent toujours
conferver. Une alperge de bambou ayant en fortant de terre,
par exemple, trois pouces de groifeur par en bas , ne
groffira pas davantage, quoiqu’elle s’élève quelquefois jufqu’à
trente à quarante pieds de hauteur, ce qu elle fait en moins
de lix fontaines; on les voit très-fenfiblement croître d’un
jour à l’autre : \ ceux dont on fe fort pour mettre l’eau , font
tous coupés à la longueur de dix à quinze pieds ; les noeuds
en font percés, jufqu’à celui du pied ou du fond qui retient
l’eau.
Pour puifer l’eau de leurs puits, les Naturels prennent