avoit celle, difoit - H , d’être Gouverneur à l’inftant de la
perte de Manille; que lui ( Don Simon de Anda ) était,
par cet événement, devenu Gouverneur & Capitaine général.
Je ne déciderai pas fi ce propos étoit d’un révolté ; je
ne fuis qu’Hiftorien , & en cette qualité je me borne aux
faits.
M. Anda arrivé à la Pampangue, trouva le moyen de
làuver tout l’argent du Philippino ; avec ce trélor, qui étoit
de cinq à fix millions de piaftres (25 à 30 millions) , il
contint les naturels : il forma une petite armée, puis il montra
les dents aux Indiens des provinces du Nord, qui vacilloient
toujours entre le parti Anglois & le parti Elpagnol. Sans
cet argent, les Philippines tomboient avec Manille; & fi
M. Anda eût dans le commencement favorifé la défertion
plus qu’il ne fit, il fe feroit vu en état de relferrer les Anglois: '
il avoit neuf mille hommes environ, dont deux mille armés
de fufils, & à-peu-près trois cents Européens, prefque tous
François déferteurs, qui formoient une très-belle troupe,
quoique petite .en comparaifon de l’armée Angloife. Ces
foldats , comme je l’ai d it , étaient prefque tous gens embarqués
de force, & n’ayant point pu , pendant le fiége,
exécuter leur projet de défertion; ils ne çherchoient que
1 occalion favorable de le réalifer. Ün fergent François, fort
adroit .très-intelligent, donna avis à M. Anda de la
bonnè volonté des François, il répondit qu’il faciliteroit leur
défertion; mais il négligea tellement cet avis important, que
les premiers qui osèrent tenter çette périlleufe entreprife,
furent màlfacrés, prefque fur les glacis de la v ille , par les
Indiens qui, ne' les connoilfant pas, ne leur firent aucun
quartier,
On juge bien que cette aélion ralentit beaucoup l’ardeur des
autres. Le Sergent fe plaignit à M. Anda, & lui repréfenta
que fans doute il n’avoit pas donné fes ordres, pour que ces
déferteurs trouvaffent, à la fortie de Manille, des Indiens pour
les conduire en fûreté, à fen armée. Depuis ce moment, la
défertion fut très-confidérable, & le Général Anglois voyant
avec peine le nombre des François diminuer, & confidérant
l’impoifibilité de retenir des gens qui s’expofoient à tout,
même à une mort prefque évidente, pour ne pas refter fous
fes ordres; il fit embarquer le refte, au nombre d’environ
cent cinquante, & les renvoya à la côte de l’Inde. Ce petit
refte avoit formé le projet de partir avec fes armes ; la chofe
auroit vraifemblablement réuffi, fi la conjuration n’eût été
découverte par un foldat de la troupe qui s’étoit enivré, &
qui, dans fon ivreife, déclara tout : les Anglois ne dirent
mot, mais ils prirent leurs mefures : feus prétexte de lavoir
s’il ne manquait perfcnne , ils firent battre la générale à
huit heures du foir : ils affemblèrent tout leur monde, la
troupe Françoife au milieu, la firent déiàrmer, la dépouillèrent
de fes habits & l’embarquèrent.
Le même Sergent qui venoit de fervir fi mal les Anglois,
offrit une fécondé fois fes fervices à M. Anda; il lui dit qu’il
tacheroit de faire déferter les Cypayes. La délrcatelîè de ce
Général tourna à l’avantage des Anglois ; car ceux-ci avoient
un befoin réel de Cypayes, pour empêcher la défertion de
leurs feldats : ils en avoient un Corps allez confidérable lur les
glacis à cet effet; o r , en les faifant déferter, les Anglois fe
feroient nécelfairement relfentis de la perte de ces troupes.
M, Anda répondit qu’il ne vouloit fe fervir ni de Maho