En faifant le tour de la Baie, on trouve fes embouchures
de plufieurs rivières, dans iefquelles cependant on ne peut
entrer à caufe des Mangliers & des Badaniers qui en bouchent
le paffage. On iè procureroit des promenades agréables dans
ces rivières, en taillant les arbres des deux côtés en forme
de berceau : les Nègres m’ont dit quelles remontent allez
avant dans l’I lle , & que la mer remonte auffi fort loin
dedans ces rivières.
Nous étions au mois de Novembre; j’aurois prefque été
tenté de me croire en France dans le renouvellement du
printemps, lorfque je fis le tour de cette Baie ; elle eft toute
bordée de Mangliers & de Badaniers , qui offrent une
verdure des plus agréables pendant toute l’année : les Vaiffeaux
font leur eau dans un petit enfoncement, où l’on va au
milieu d’une haie des deux côtés ; il n’a pas plus d’une
encablure de longueur ( cent toiles ) : deux pirogues auroient
de la peine à remonter ce ruilfeau, à côté l’une de l’autre,
parce que cette elpèce de ravine eft embarraffée de droite &
de gauche par de vieux troncs d’arbres ; quand on eft parvenu
au bout, on trouve une petite élévation qui n’a pas
plus de fix pieds de hauteur , d’où découle un petit filet
d’eau qui vient d’une hauteur voifine; on y met une jumelle :
ce petit filet d’eau eft communément allez abondant, parce
qu’il pleut beaucoup à Sainte - Marie ; lorlque.je le vis, il
n’avoit pas plus d’un pouce de diamètre ; les pluies de la
nuit iuivante le firent confidérablement augmenter: les chaloupes
, pas même les canots, ne peuvent aller jufqu’au lieu
de l’aiguade; on lés lailîè à l’entrée: on emplit les pièces,
puis on les roule jufqu’au lieu des bateaux.
L ’île iSainte-Marie n’eft point élevée en comparaifon de
Madagafcar, elle eft même très-baffe; la partie du Nord
eft encore beaucoup plus balfe & raie que la partie du Sud,
qui forme à peu-près .la moitié- de l’Ifle ; celle-ci paroît
coupée par une prodigieufe quantité de ravines, féparées
par autant de monticules couverts S de bois : en remontant
la partie du Nord, 011 rencontre une elpèce de grande Baie
très - ouverte, 8c trois pointes à peu-près à égale diftance
les unes des autres ; la troifième s’appelle la pointe du Nord :
cette pointe eft Nord & Sud du compas avec la pointe la
plus méridionale de la baie d’Antongil, & à douze lieues
de diftance.
La côte de l’Oueft de Sainte-Marie eft très-faine; on
peut la ranger à cinq à fix encablures de diftance ( moins
d’un quart de lieue ) : les reflifs qui la bordent de ce côté
& à la pointe du Nord , ne s’étendent pas à plus d’une
fencablure de la côte ( cent toifes ou fix cents pieds ) ; mais
les reflifs de la partie de l'Eft s’étendent à plus d’une lieue
au large : la mer y brife avec beaucoup de force , parce
que cette côte eft au vent.
L ’île de Sainte-Marie eft très-poiflbnneufe, & beaucoup
plus que la côte de Madagafcar, & cela vient des reflifs ;
la côte de l’Eft fur-tout, de cette Ifle, feroit inépuifable.
Sur les reflifs, on trouve en quantité & par groupes im-
menfes de grandes huîtres faitières, dont on pourrait peut-
être manger le poiffon en trouvant le moyen de l’accommoder
; il eft du moins certain que ce poiffon n’eft: pas
maifailànt : les Noirs le font boucaner, le mettent enlùite
griller fur les charbons , puis’ le mangent. Je ne lais fi ce
ragoût eft bon, mais je n’ai jamais ofé en goûter; 1 odeur
en eft des plus' révoltantés, & on n’ôfe approcher d’une cale
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