piufieursüeues de circonférence & touche les deux provinces
Albay & Camarines; on le voit de la mer de très-loin, il
fort de phare ou de fignal aux Vaiffeaux qui arrivent de la
nouvelle Elpagne ; la perfcnne qui le découvre le premier
a une récompenfe : ce volcan fume continuellement, &
fouvent il jette des flammes ; fouvent aufli, à plufteurs lieues
de diftance, on entend fortir de íes entrailles un bruit fom-
biable à celui d’une forte tempête accompagnée de tonnerre.
Autrefois, au milieu de lès flammes, il a vomi une quantité
étonnante de pierres, & en a couvert les plaines des environs ;
il a vomi pareillement du fable, en forte que tout le terrein
voiiin efl couvert de fable & de pierres noires ; les campagnes
des environs fonnent le creux lorfqu’on y pafle; un pareil
pofte n’efl: pas trop fur, car il y a beaucoup à craindre qu’il
ne fo forme dans cet endroit une lagune, ce qui ne foroit
pas fans exemple aux Philippines , où des montagnes entières
fe font abîmées, & ont laifle à leur place des trous très-
larges & très-profonds. Je placerai ici, au fujet de ce volcan,
l’extrait d’une lettre que l’Alcade de la province écrivit ert
1 7 6 7 au Fifcai de Manille, avec lequel j’étois fort lié, &
qui nie donna une copie de cette lettre.
« Le Mayon, volcan qui efl: proche la peuplade ou village
d’Albay, dans la province de ce nom, fut, en 1 7 6 6 , un
fujet de curiofité & de crainte.
Le 20 Juillet il s’enflamma, & il brûla pendant fix jours;
la flamme qui fortoit de fa bouche reffembloit à une pyramide
conique dont l’axe paroiifoit n’avoir pas moins de huit
braflës; enfoite.la pyramide diminua peu-à-peU & le fommet
parut enflammé; c’eft à cela que fo réduifent ordinairement
les effets de ce volcan ; de fon fommet la íave prit fon cours
d a n s l e s M e r s d e l ’I n d e . 15
vers l’Eft » en coulant fur une largeur qui nous a paru, «
à moi & à un Pere Récolet, qui l’avons obfervée deux mois «
de fuite du village ou de la peuplade d’A lb a y , qui nous «
a paru , dis-je, avoir jufqu’à vingt brafles ; les mouvemens «
de cette rivière de feu ou de matière fondue, étoient «
femblables a ceux de tout autre torrent qui fe précipite du «
haut d’une montagne en bas, de rochers en rochers. «
La même année 17 6 6 , le 23 Octobre, comme le cré- «
pufcule alloit faire voir fes premiers rayons, un vent d’Oueft «
fort commença à le faire fentir; a huit heures il flàichit, «
& le vent continua de fouiller avec la même force julqu’à «
quatre heures après-midi, & il tomboit de temps en temps «
un peu de pluie. II parut dans la partie fupérieure de i’ât- «
mofphère un vent d’Eft, pendant que dans la partie inférieure «
le vent fouffloit toujours de i’Oueft avec la même force, ce «
qui dura jufqu a fept heures, qu’ii redoubla en pafl'ant à «
l’Ouefl-nord-oueft ; il acquit tant de force à ce rhumb, qu’il «
fembloit qu’il vouloit tout détruire & tout renverfer ; je crus «
que le village alloit être emporté : cet effort dura jufqu’i trois ,<
heures du matin, qu’il y eut une faute fubite & violente au «
Sud, qui ruina toutes les cafes du village qu’il n’avoit fait «
qu’ébranler ; la pluie fut alors beaucoup moins confidérabie. «
A deux heures du matin, le volcan commença à vomir «
tant d’eau qu’il m’efl impoflible d’en apprécier la quantité; «
je n ’ai rien vu de comparable, & ce n’efl: qu’en vous rap- «
portant quelques-uns des dégâts quelle a faits, que 1 or. peut «
s’en former quelque idée : du village de Tibog à celui d Albay «
il s’efl: formé quelques rivières de trente vares (a ) de largeur , «
qui couloient à la mer avec une abondance &.une impetuofité «
(a) La vare contient deux pieds deux pouces fix lignes.