V o y a g e
quartier quand ils trouvent ie moyen de pouvoir fe venger:; à
Madagafcar, au contraire, ils ont foin de ceux qu’ils ont blellës :
malgré ces Malais, les Hollandois fe font établis à Java, y ont
formé la Colonie la plus belle & la plus floriflante ; iis s’y font
fortifiés de façon qu’ils ne redoutent aucune attaque des Malais,
qu’ils regardent comme la plus vile & laplus méprifableNation,.
& qu’ils traitent en conféquence; leur faifant porter un joug
très-dur &très-pefant; malgré ce rude efclavage, je ne fais point
d’exemple que cette Nation, qui eft on ne peut pas plus nom-
breufe, ait jamais formé un complot contre Batavia, parce qu’elle
voit bien que toutes fes forces réunies feraient vaines contre les
murs de cette ville, & ces fameux crocodiles (a ) qu’elle entretient
dans fes foffés avec un foin qui paroîtroit volontiers tenir
du culte, fi nous ne favions pas pofitivement le contraire..
Les fouis Chinois établis à Batavia, hors dé leur pays par
conlequent, ont ofé fe foulever, fi je ne me trompe, en 17 54-
Les Hollandois , en préfonce des Malais, les punirent de leur
audace de la manière la plus barbare ; mais plus làges, à mon
avis, que les Efpagnols, ne pouvant fe palfor d’une Nation
fi induftrieufe & fi laborieufo, ils les ont cenfervés ; au lieu
que les Efpagnols ont fait la très-grande faute de les chaffer
de Manille. Qui pourroit donc empêcher la France de former
à Madagafcar une belle & floriflante Colonie, comme ont fait
les Hollandois à Java ! S’il ne falloit que des crocodiles pour
fe garder, quel pays en fournit plus que Madagafcar] & quel
peuple en a plus d’horreur & de crainte que les Madecalfes ]
C e qui faciliteroit encore cet établiffement, eft la confiance
(a) La compagnie d’HoIfande nourrit ces crocodiles, pour empêcher la
défertion de fa garnifon qui eft toujours d’environ deux mille hommes ¿.mais
prefque tous Etrangers & de mauvaife volonté.
que ces gens, quoique très-méfians, ont cependant en nous.
Lorfque nous avons manqué, dans ces derniers temps, d’effets
pour payer à Madagafcar, on a fait des billets ou des bons
aux Noirs, pour une autre année ; les Vaiffeaux partaient, Sc
avec ces bons, ces peuples alloient trafiquer dans les terres:
de cette façon, il s’eft trouvé que quantité de billets ont couru
une grande partie de Madagafear, ou font reliés long-temps
chez une même perfonne, qui au bout de quatre à cinq ans
venoit fe faire payer , quand elle avoit appris l’arrivée des
Vaiffeaux : ce fait m’a été affûté par M. de Laval, à qui il
eft particulièrement. arrivé.
J’ignore & je doute fi les Hollandois à Batavia trouveroient
cette reffource, s’ils en avoient befoin, parmi les Malais de
Java; mais je fuis bien certain qu’ils ne l’ont pas à Malacca
par où j’ai pafle; & que les Malais de cette péninfule ne
cherchent qu’à les affamer pours’en débarralfer &. les détruire.
A r t i c l e v i n g t - d e u x i è m e .
Suite des Moeurs des MadecaJJès ; leurs armes ; façon
d ’apprêter la viande ; foufflets de leurs forges;
leurs Tijferands.
L ’ a rme de Madagafcar eft une fagaie, elpèce de long
javelot de quatre à cinq pieds de longueur ; iis ont aufli des
fufils, mais plus par vanité & oftentation que pour avoir une
arme à fe défendre ; car il y en a peu qui lâchent s’en fervir :
ils font naturellement poltrons, lâches & timides; ils craignent
les Blancs, pour lefquels ils ont beaucoup de refpeél, ce qui
ma paru venir de ce qu’ils nous croient bien plus d’efprit,
dadrelfe & d’invention qu’ils ne s’en croient à eux-mêmes;
& fer-tout plus d’ufage des armes à feu, qu’ils craignent au
Z z z ij