J’eus L ie^d e la peine à me faire à ce climat, qui n’efî
pas fort fain; j’y eiis.en arrivant, des cours de ventre &
une dyiîenterie qui me dura pendant plus d un mois ; j en
fus fort malade, & j’eus bien de la peine à me rétablir. Je
fus'obligé de quitter le Port; j’allai à Fiacq, dans l’habitation
de M. le Procureur du Roi où je paffai quinze jours : revenu
au Port, ma fanté redevint chancelante, & je fus obligé
d’abandonner une fécondé fois ce léjour embrafé ; j allai au
Réduit, à la maifon de campagne de M. Desforges, qui a
toujours eu pour moi la plus grande amitié.
Je trouvai au Réduit la plus agréable température ; car, par
des obfervations que j’y faifois, comparées à celles que l’on
faifoit en même-temps au Port, il y avoit prefque toujours
tt*bis à quatre degrés de différence, quelquefois plus, outre
que les vents y ont un cours plus libre qu au Port.
Il n’ y a point, à proprement parier, de maladies a llfîe-
de-France; je parle des habitations, car le Port du Nord-
oueft eft un endroit où la fanté s’altère à la longue, 8c oa
le fcorbut fe fait quelquefois fentir. Le Port du Sud-eft au
contraire eft très-fain; on y envoie les feorbutiques, qui- s’y
rétabliffent bien, & cependant nous préférons le petit Port
à celui-là, ceft-à-dire, au plus beau Port du monde & aa
plus fain.
L ’Ifle-de-France eft donc un climat bien fortuné; car
excepté quelques flux de làng ou dyfîenteries, aucune des
maladies qui affligent ici l'humanité ne s’y fait fentir.
Bourbon, î’Ifle-de-Bourbon, femble encore l’emporter fur
l ’Ifle-de-Franee pour la fakibrité & l’aménité de 1 air j dans
cette Ifle fortunée.on peut, à coup fur, calculer la longueur
eu la durée de fa vie : je n’exagère point en afîiirant quun*
perfonne qui évite toute forte d’excès, peut dire : je vais
faire tel ou tel etahlijjement dont je commencerai à jouir dans
dix, quinze à vingt ans, & qui me dédommagera amplement
de mes peines; & j’ofe affurer qu’une telle perfonne ne fe
trompera pas, Ayçp pela je n’ai pas vu d’endroit où l’affabi-r
jité & , l’aménité dans la feciété, où i’hofpitalité fuifent plus
grandes qu’à l’île de Bourbon, & où les moeurs fuifent plus
douces, Cela devoit être ainfi.
Beaucoup de matelots & autres pauvres gens du Fort-?
dauphin y furent d’abord envoyés par M. de Flacourt, pour
s’y rétablir des maladies qu’ijs avoient gagnées dans l’intérieur
du pays; les tortues dont i'Iife-de-Bourbon étoit alors cou-,
verte, & la falubritp de i’air offroient à M. de Flacourt un
moyen alluré de rétablir promptement fon monde. Ces
Matelots n’étant pas en état de fe fervir eux-mêmes, emmenèrent
avec eux des Négreffes de Madagafear ( les femmes
en cette île font charitables & fort attachées aux hommes ) ;
quelques beibins de la Nature leur firent jeter, après s’être
rétablis, les fondemens de cette Colonie; les relies échappés
du malîàcre du Fort-dauphin s’y réfugièrent encore. Voilà
l’origine de cette Colonie : de-là le làng y eft prefque tout
mêlé; malgré cela les créoles y font grandes, belles & bien
faites: de plus, il n’y a que des rades foraines à cette 111e,
& par conféquent, cette Colonie n’a guère eu jufqu’à ce
jour, de communication avec les Européens ; tout le monde y.
menoit une vie champêtre & fimpie en cultivant fon champ,
& s’occupant à la challe & à la pêche ; enfin c’eût été alors
une vraie retraite pour un Philofophe : c’eft ainfij que la qua-
iifioit lui-même de mon temps (en 1763) l’homme de France
peut-être Je plus répandu dans le monde, M. le Chevalier
P p p p ij