fort égal ; nous préfentions au N o rd -e ft, & jufqu’à la pointe à
L a r é e , nous avons filé la côte affez parallèlement, en paffant fort
près de la pointe de Sainte - M a r ie , où je ne vis que quelques
roches , q u i , en partant directement de la poin te, avancent au
large d’une forte encablure, je n ’ai remarqué aucune des roches
marquées lur la Carte a grand p o in t , comme environnant cette
pointe
D e cette pointe, jufqu’à la pointe du nord de Sainte-Marie, nous
avons fait le Nord-eft-quart-nord jufqu’à environ 1 o heures &
demie, qu on mit au Nord-nord-eft ; on a pour lors reconnu la pointe
de Tain , à l ’entrée de la baie d’Antongil. Cette route aurait dû nous
entretenir à une grande diftance de Madagafcar; il fembioit, au
contraire, que nous en approchions même afTez confidérablement, ce
qui me forait foupçonner qne cette cô te ; depuis la pointe à Laréé
jufqu’au cap de T a rn , eft mal marquée for les Cartes ; car je doute
que la lame nous portât autant à terre qu’il l ’eût fellü pour en
approcher autant que nous le fàifions. Lorfque nous fumes entrés
dans la b a ie , nous fîmes le Nord - quart - nord-eft ; je relevai la.
pointe de Tarn au Sud-quart-fod-oueft & l’île Marotte, au N ord-
quart - nord - eft ; ce qui me fit voir que la pointe de Tam & l’île
Marotte, font à très-peu de chofe près dans le même méridien. Enfin
nous mouillâmes fous l ’île Marotte le 7 Novembre, par 14 braffes
& affourchâmes par 1 1 ; nous allantes nous établir à la grande terre
à un village nommé Antfirac, à l ’embouchure d’une belle rivière,:
& fort agréable.
Nous reliâmes dans ces lieux charmans jufqu’au 2 7 N o vem b re ,
que nous appareillâmes pour retourner à l ’Ifle-de-France : deux jours
après, je courus peut-être plus de danger que je n’en avois couru
depuis que je voyageois. Nous étions encore dans la baie d’Antongil,
à vue delà terre ; nous avions une grande quantité d ’Efcia ves, que
nous menions à l’Ifle-de-France ; ces Efolaves avoient toujours été
enchaînés pendant notre féjour à la baie d’A n ton g il, précaution utile
pour éviter les inconvéniens du marronnage, ôte.
L e lendemain matin de notre départ de l ’île Marotte, on ôta
leurs fors : ce fut un peu trop tôt , puifqu’on voyoit encore
la terre; mais la pitié, s’il eft poffible d’en avoir en pareil ca s ,
nous fit oublier notre propre falut : ils confpirèrent entre eux de fe
fàu v er , en nous affommant tous avec leurs gamelles iorfqu’ils auraient
mangé ; de profiter des bateaux & des pirogues que nous avions à
bord pour fe fàuver ; & d’abandonner, par ce m o y en , le navire au
gré du vent & de la mer, car ils ne fe fentoient pas capables de le
manoeuvrer. L a vue de terre leur avoit foggéré ce deflein ; car,
difoient-ils, nous ferons fort loin dans deux à trois jours, ¿r il ne nous fera
plus poffible alors de nous fauver. Nous fumes informés de ce projet,
par un Noir de la bande, qui vint nous avertir & tout déclarer.
A cette nouvelle, on fit mettre tout le monde debout : on arma
environ vingt bons Matelots ; puis on fit defeendre dans l’entre-pont
tous nos conjurés, qui felon toute apparence, ne le doutoient de
rien ; les Officiers de l’État-major prirent également les armes. Q u o ique
je regardaffe le droit de ces Noirs au'ffl bon que le nôtre, c ’e ft-
à-dire , quoique je convinffe qu’ils avoient autant de droit de chercher
à fe mettre en liberté, que nous pouvions en avoir de les mener
efolaves à l’Ifle-de-France , cependant le droit de me défondre me
parut le premier: & je pris en conlequence les armes, bien réfolu
de frapper par-tout où je pourrais avoir occafion de le foire pour me
défendre, & foutenir le droit de ma propre confervation ; après
tous ces préparatifs, il fut aifé d ’étouffer le projet de nos ennemis.
O n les fit monter deux à deux Ht on les mettoit, à mefore, aux fors
enfemble : on laîfla la liberté aux femmes & aux enfans. T o u t le
refte de notre voyage jufqu’à l ’I f le -d e -F r a n c e fut fort heureux,
quoiqu’il n’ait pas été fans inquiétude. U n ufoge affez mal entendu
à cette île étoit alors de faire fervir pour la côte & les voyages à
Madagafcar, les V aideaux le plus long-temps que l’on pouvoit. I l
arrivoit de -là que l’on étoit quelquefois expofe à fe noyer for ces
Vaiffeaux, & cela étoit déjà arrivé de mon temps à un Vaiffeau de
cette efpèce , qui fut fubmergé dâns une tempête, aux environs
de l’île Rodrigue.
. L e . nôtre étoit très-vieux; M . de Laval le fovoit bien; il s’étoit
en confèquence muni à la baie d’A n to n g il, d ’un grand nombre de