Il ¿toit feul dans un des plus petits bâtimens, & à la tête de
toute la flotte ; nous envoyâmes au-devant de lui notre canot,
dans lequel il paffa fans aucune méfiance; dans un inflant,
fes bâtimens l’entourèrent 8t fembloient chercher à l’efcorter :
nous avions, à-bord du Lys, arboré notre pavillon, & le Roi
paflànt devant, on le iaiua de fept coups de canon.
Nous allâmes au-devant de lui à iadefoente du pont, & à
peine eut-il mis pied à terre, que tout Ton monde, au nombre
d’environ huit cents, tant hommes que femmes, en eut bientôt
fait autant; lès Soldats, allant à environ lix cents, l’environnèrent
fur le champ, & l’efcortèrent jufqu’à la cafe de M. de
Laval où nous le conduifimes 8c où il entra: là, fon monde
fe partagea en diflerens corps; une partie entra avec lu i, une
autre fe tint à la porte, en-dehors; une troifième environna
la maifon ; le relie alla affeoir le camp fur le bord de la mer, à
portée d’un petit ruiiîeau, à cent pas environ de notre quartier:
on y travailla avec tant de diligence , qu’à huit heures du loir
toutes les tentes étaient debout, les feux allumés par-tout &
le riz était à cuire. Ces tentes, au relie, font bientôt dreffées;
deux piquets croifés forment un bout, & deux autres forment
l’autre bout ; un cinquième piquet traverfe par-deifus d’un bout
à l’autre 8c tient le tout en reipeél : les tentes des pirogues
recouvrent le tout.
Zanhare paflâ la foirée avec nous & y foupa, toujours avec
une efcorte confidérable, tant en-dedans qu'en-dehors la fille
à manger, foit qu’il eût encore de la méfiance, foit que ce fut
uiie cérémonie de première entrevue ; il eil certain qu’il pafla
les deux à trois premiers jours encore plus ou moins efcorté:
il diminua ainfi peu-à-peu fon èfcorte; & enfin il était perpétuellement
au milieu de nous iàns la moindre garde, n’ayant
même perfonne avec lui qu’un ou deux N oirs, qui paroiifoient
fes plus affidés, 8c un efclave qui portait fon fufii à la fuite:
quant à TLeinhare, quelquefois on lui voyoit une iagaye, d’autres
fois un fimple bâton.
Ce que nos ennemis, 011 plutôt ceux de 'Lanhdre, n’avoient
oie tenter la veille de fon arrivée, s’accomplit ce même jour
en partie à neuf heures du foir, par l’imprudence d’un Matelot
qui était ivre : le feu prit à notre quartier à cette même heure,
comme nous fortions de table ; 8c s’il ne fut pas tout réduit en
cendres, nous en fumes redevables à Z anhare. .
J’étojs allé me promener dans le nouveau quartier, que je
vifitojs fort tranquillement, lorfque j’aperçus la flamme, qui
parut fubitement comme un éclair, & qui avoit déjà dévoré une
partie de la maifon où elle avoit pris naiifance : à ce fpeétacle,
je fus, je l’avoue, faiii d’une efpèce d’horreur; mes premières
idées fe tournèrent naturellement vers Silouloute ( c’était le
nom du C hef qui difputoit Foulpointe à Z anhare ) ; je crus
qu’au milieu de la tranquillité où il nous favoit, quelque Noir
de fon parti s’était glifle parmi nous , y avoit mis le fou; 5c
que ce C h e f profitant du défordre , alloit fondre fur nous,
felon la manière de faire la guerre de ce pays, & comme nous
en avions été prévenus la veille ; chofe d’autant plus aifée à
exécuter, qu’il eût été impoffihle d’abord de diilinguer dans
là nuit un pareil Noir, parmi plus; de fix cents qui nous envi-
ronnoient alors.
Gomme je fa vois en arrivant à Foulpointe, que les brifes,
pendant mon lejour, régneroient principalement du Sud à
§M 8c au Sud-ouell, j’avois eu l’attention, dans la crainte du
feu, de faire placer ma cafe 8c mon obforvatoire fur le bord
de la met, 8c au vent de toutes les autres cafés; mais ce jour-là ,