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le Soleil fut couché | les éclairs fe firent voir : il plut beaucoup
pendant la nuit.
Le 2 6 , nous commencions à être loin de terre & notre route
nous" en écartoit toujours. Il ventoit grand frais de 1 Oueft ; nous
avions outre cela une énorme lame qui nous prenpit prefque debout,
& il fembloit que notre Frégate s’arrêtât à chaque lame quelle
rencontrait ainfi avant que de pouvoir la franchir. Ces 'tangages
l’ont beaucoup fatiguée, car vous favez qu’elle elt vieille; fouvent
nous n’avions que nos quatre baffes voilés, tous les ris pris dans les
huniers : je crus facilement qu’il étoit paffé quelque tempête dan?
ces parages ; le voifinage des Maldives & la violence du ve®
d’Oueft dévoient auffi contribuer à rendre la mer mauvaife.
La nuit du 26 au 27, nous dépaffames lé cap Comorin à Ij
diftançe d’environ cinquante lieue?, ayant toujours à peu-près fi
même temps. y* JS
Le 27, le grand fiais continua, mais la mer étoit tpmbee ; elle
avoit repris fa belle couleur ainfi que l’horizon ; en forte que le
beau temps paroiffoit revenir à mefuré que nous nous éJoigmorçj
des côtes. A deux heures après midi on gouverna fur Ceylan,
quoiqu’il ne m ’eût pas paru en partant de Mahé qu’on, dm
prendre langue; car fi çeût été le projet, pourquoi aurions-jnous,
pris tant du large I nous trouver le 28 à midi à quarante lieues,
pour le moins dans l’Oueft de Gales; quoi qu’il en foit , nous ei,j
avions même dn peu de'puffé g latitude, puifque nous mimes alors a»
Nord-quart-nord-eft pour prendre du Nord; nous avions bon frais!
de l’Oueft , la mer-ailez belle ; mais tout lç ciel fe couvrit, fe mit i
grains t le foir il parut des orages & il éclaira beaucoup,
Le 29, à huit heures du matin on vit la terre entre fies nuages
fort épais qui la couvraient, & la matinée fe paffa en grains & «
. très-petit temps de i’Oueft-fud-oueft à i’Oueft-nprd-Pueft.
Après midi nous vîmes Ceylan. fort diftinfiement ; la fonde nous
tjonna cinquante braffes : enfin étant parvenus, quoiqu’avec; biea
de la peine, à reconnoître Gales, nous gouvernâmes deffus , &
ayant rois deux fois en panne «Se tiré quelques coups de canon,,
, f ' ' pavillon
pavillon en berne, nous mouillâmes à fix heures à deux grandes
Keues du Port par trente-cinq brafïès.
Le Fort nous rendit deux coups de canon, & il nous envoya
une Tonne qui n’arriva qu’à huit heures du foir; il faifoît nuit,
mais nous avions des feux à notre poupe ; & à notre beaupré. La
Tonne' nous remit une lettre fous deux verfions (Hollandoife &
Latine ) ; nous comprimes par la fécondé, qui ne nous faifoit point
d’offres Comme avoient fait Mahé & Talichery, nous comprimes;
dis-je, qu’on nous prioit qu’en cas que nous euffions des fèttres
à remettre, & que la Tonne nous parût un moyen affuré de les
faire parvenir, on nousprioit, dis-je, deles envoyer avant que de
continuer le voyage que noüsiavions à terminer, & pour la réuffitè
duquel on offrait beaucoup de voeux au Ciel. On garda la Tonne
& les Noirs pendant la nuit, mais on n’en put rien tirer. Le 30.,
à fept heures du matin on les renvoya : on fit en même temps
partir par.,1a Pirogue un Officier avec une lettre pour le Commandant
du Fort, & enfin, peu de temps après-, nôtre Commandant
luivit lui-même dans la yole avec un Officier & l’Ecrivain :
ils furent tous dé retour à trois heures après-midi. Je 11’ai rien a
Vous dire de Ceylati, dont ie peu que j’en pus voir me parut fort
agréable. Nous eûmes dans la matinée piufieurs grâins affez forts,
& enfin à midi le ciel fe prit par-tout, ia terre s’embruma , l’horizon
fe diftinguant à peine ; avec cela la mer' devint monltrueufe
& il ventoit bon frais du Sud-oueft ; les nuages; qui fuyoieut avec
une vîteftè fingulièrey fembioient annoncer une tempête; notre
Frégate fàtiguoit & faifoit de i’eau. Pour furcroît d’inquiétude nous
aperçûmes uti Vaiffeau au vent; ie ' Commandant étoit en route
pour nous joindre : on vira, en l’attendant, fur i’ancre, & on le
mit à pic prêts à déplanter ; iorfqu’ii eut mis le pied à bord; nous
fumes bientôt fous voiles, & alors un grain violent nous fit perdre
le Vaiffeau de v.ue ; nous le vimes cependant encore fort diftinc-
tement de deffus ie gaillard,.le grain tirant fur fa fin ; mais enfin
nous le perdîmes tout-à-fiit de vue dans un fécond grain. Nous étions
pouffes par un. grand frais, & le temps s’embrumoit dg.plus en plus,
. Tome II, ’ B b b b b