conféquent beaucoup : je' crois que s’ils fâifoient porter un ou
deux quarts largues , ils y gagneraient ; dans une longue route
comme celle - là, on ne doit jamais s’obftiner à chicaner le vent
( permettez - moi cette expreflîon de marine que vous connoiflez
comme moi ) , on ferait plus de chemin , on traverferoit rondement
les vents généraux, on dériverait moins, & on ferait par
confequent moins expofé à être tranfporté dans l’Oueft, parce que
le courant n’auroit plus fur les Vaiflèaux le même empire. C ’eft
la même chofe pour remonter jufqu’à Java , on a environ quatre
cents lieues de vents de Sud-eft qu’on traverfe obliquement.
Je placerai ici, Monfieur, une autre remarque relative à la
variation de la bouflole ; elle indique, comme on iàit, dans vos
mers les longitudes avec une précifion de vingt lieues plus ou
moins : c’eft pour indiquer ces erreurs que M. Halley fit là carte ;
en forte que du cap de Bonne - elpérance, par exemple, jufqu’à
la Nouvelle - hollandè, la variation de la bouflole eft un moyen
aflez fur de vérifier fon point, fi l’on a fur- tout de bons compas
azymutaux, & fi l’on a attention de bien obferver ; mais en remontant
de la Nouvelle-hollande pour prendre connoifîànce de Java,-les
lignes des variations vont prefque de l’Eft à l’Oueft; ainfi la même
variation peut vous placer plus ou moins à l’Oueft du détroit
d’environ cent cinquante lieues ; il eft aifé de s’en convaincre eu
jetant un coup-d’oeil fur la carte de M. Halley.
En 1759 , M. Winflow que vous connoiflez pour un trcs-
habile Marin, fils de M. Winflow l’Anatomifte, de l’Académie
des Sciences , obferva les variations avec un foin touf* particulier :
fes obfervations ont une marche fi confiante, que fi je ne con-
noiflois pas M. Winilow , j'aurais volontiers été tenté de douter
fi elles ne feraient pas plutôt l’ouvrage d’un réfultat de calculs'
qu’un réfultat d’expériences ; mais M. Winflow avoit un très-bon',
compas azymutai.
M. Winflow fe régla fur fes obfervations : en arrivant à h
tête de l’Eft de Java, il ne trouva que peu oti prelque point d®
différence. J’ai entre les mains l’extrait de fon Journal»
J’ai voulu effayer cette méthode trois à quatre jours avant que
de voir Java ; je plaçai fur ma carte la longitude où nous mettoit la
variation que nous avions obfervée conforme à celle de M. Winflow
en i759> & Par 1® même latitude. Cette variation nous mettoit
Nord & Sud de la tête de l’Eft de Java; en forte que je me ferais
trouvé en erreur de près de la moitié de la longueur de l’île de
Java, ou d’environ cent lieues de différence à l’Oueft.
Mais je vous prie, Monfieur, d’obferver que nous n’avions que des
compas ordinaires qui donnent rarement plus d’un degré d’exaélitude,
& qu’en fuppofant ce degré de différence entre M. ’Winflow &
moi, il fuifit pour rendre raifon de ces cent lieues de différence
entre fon point & le mien ; il en réfulte au moins qu’il faut être
bien fûr de fon compas pour fe halàrder à fe fervir de cette méthode,
& qu’il y aurait peut-être de la témérité à s’y. fier, foit que l’on
cherche le détroit de la Sonde , foit qu’on veuille enfiler celui
de Baly ou de Combava , comme s’e'toit propofé M. Winflow.
Avant que d’arriver au détroit, nous eûmes quelques vents d’Oueft
qui nous gênèrent un peu, mais enfin le 7, les vents de Sud-eft
nous reprirent pendant la nuit qui fut très-belle ; nous la paflàmes
prefque toute entière en panne. Le 7 au matin nous doublâmes
l’île aux Brifans & nous en paff&tes à une lieue & demie environ
dans le Sud.
Après avoir doublé cette île, nos Pilotes excellens pratiquas ,
nous firent gouverner fur la groffe pointe de Java, qui précède.
Celle du détroit.
A deux heures nous étions par le travers de cette pointe, à
une lieue ou une lieue & demie au plus de diftance. Depuis
environ une demi-heure on voyoit l’agréable île du Prince, & le
Capuchon.
Nous avons fait le Nctrd-nord-oueft pour gagner l’entrée du
détroit; il faifoit un temps fuperbe. A quatre heures nous étions
à l’entrée du détroit par le travers du Capuchon, à qui ce nom
convient à merveille. G ’eft-ià que le vent nous manqua tout-à-fait;
il nous a même coîffés : c’étoit l’effet de la montagne de la Pointe,