A midi les orages ont commencé à le faire voir ; il y én avoit
tout autour de l’horizon: ils fe font peu-à-peu diffipés ; mais à
j heures le Sud-eft s’eft de nouveau garni & le tonnerre s’eft fait
entendre. A 6 le ciel étoit tout couvert ; l’orage a filé le iono- des
montagnes: c’étoit un phénomène magnifique, quoiqu’effrayant, à
ne le voir même que de loin, c’eft-à-dire, à la diftance d’une lieue
& demie à laquelle il étoit de Manille; toute la partie deTEft au
Nord-eft, où eft Saint~Thomas-du-Mont, étoit en feu; le tonnerre,
fans prefque difconiinuer , y faifoit un bruit effroyable. Au milieu
de ce feu & de ce fracas épouvantable & prefque continuel , on
voyoit des éclairs qui reflembloient au jeu d’un grand nombre de
fufées ou de ferpenteaux qui partent en même temps : à Manille Z
nous n’avons pas même eu de pluie, mais le vent Touffioit avec
force.
L e -fî Juin.
Il a filit, comme ces jours pafles, le plus beau temps du monde
pendant la matinée, & fins le moindre nuage. Joli petit frais de
l’Eft-fud-eft ; la brife tomba l’après-midi : le thermomètre monta
à 32 degrés - j , -
A 2 heures, le thermomètre marquant encore 32 degrés ¿, il
s’eft formé dans le Sud un orage affreux, qui a duré juiqu’à 4 heures ;
■il a.monté infenfiblement , en tournant comme l’horizon & filant
dans l’Eft, le long des montagnes ; parvenu là , il y e ft refté & s’eft
diflïpé : à 4 heures, il n’en relloit aucun veftige. Pendant que cet
orage avançoit du Sud dans l’Eft, en fuivanfr la direaion des
montagnes, les vents qui étoient au Sud-eft, pafsèrent par un
.mouvement contraire au Sud, au Sud-oueft & à l’Oueft ; après
l’orage ils retournèrent au Sud, & le temps s’eft couvert de nouvêau.
A 6 heures, il s’eft formé un fécond orage dans l’Eft & le Sud-eft :
à 6 heures & demie, l’orage avoit gagné Saïnt-Thomas-du-Mont, à
deux lieues & demie de Manille, dans le Nord-eft; il y fiifoit,
comme celui dhier , un bruit terrible avec des éclairs effrayans;
mais je n’ai pas pu jouir long-temps de ce beau ipedacle, il a fallu
me renfenner. Nous avons eu notre part d’un troifième orage, qui,
à 7 heures, a commencé venant du Sud & du S ud-e ft, & a duré
jufqu’à 8 heures & plus, avec beaucoup de fracas ; en forte qu’il
femble que ce phénomène foit celui de tous les jours.
On affure généralement à Manille , que le tonnerre y
tomboit autrefois très-fouvent, & qu’il y avoit fait quelques
dégâts: aujourd’hui le tonnerre refpeéle Cette ville; les Ma-
nillois affinent, du moins, que leur ville n’eft plus frappée
de la foudre depuis qu’on a béni une cloche, à deffein de
la fonner toutes les fois qu’on entendroit le tonnerre : cette
cloche eft à la Cathédrale ; on ne manque jamais de la
fonner pendant les orages ; & il faut remarquer que c’eft
l’unique cloche que l’on fonne à Manille dans. ces temps
d’orages.
Cependant, on ne relfent ordinairement à Manille, comme
je l’ai déjà obfervé, que les extrémités des orages, parce que
lès montagnes les attirent prefque toujours; en effet, toutes
les différentes gorges qui féparent ces montagnes les unes
des autres, forment autant de courans d’air , vers lefquels
ces orages fe précipitent : ces courans, comme autant de
lôuffiets , chaffent les orages avec une vîteflè iînguiière ;
mais ces orages rencontrent quelquefois un cul-de-fâc formé
par deux chaînes de montagnes, & fermé par quelques
autres de même élévation ou même plus élevées. Les orages,
en fuivant le courant qui les attire, enfilent le canal, & fe
précipitent avec vîteffe vers le fond du cul-de-fàc qui les
arrête, & qu’elles ne peuvent franchir , au moins avec la
même vîteffe : dans ces endroits, les orages étant obligés de
s’arrêter, font des ravages étonnans, renverfant les cafés des
Indiens, en tuant même affez fouvent ; tel eft le cul-de-iàc de