leur couleur m’a paru encore plus étrange, Sc j’ai de la peine
à trouver là reffemblance : elle me paroît approcher de ceile
de feuilie-morte vive. La couleur des femmes eft plus claire,
leurs cheveux font d’un très-beau noir, & elles ont grand foin
de les laver avec des huiles odoriférantes; elles difent qu’elles le
font pour en ôter la craflè, qui fans celaferoit très-confidérable,
mais il peut entrer ici un peu de vanité ; ce qu’il y a de vrai-,
c’eft que je n’ai vu chez aucune Nation d’aufli beaux cheveux
qu’aux Indiennes de Manille, Si qui les portent plus longs;
il n’eft pas rare d’en voir qui les ont touchant à terre iorf
qu’elles font debout, & extrêmement garnis; c’eft à qui les
portera plus longs, & on ne pourrait ' pas leur infliger de
plus grande peine que celle de les rafer ; elles n’ulènt point
de rubans ni de bandelettes pour lier ces longs cheveux;
les hommes comme les femmes les entortillent, Sc en font
un noeud yers le haut de la tête : ils ont de très-beaux yeux,
bien fendus & noirs, quelques-uns les ont gris.
Il eft à remarquer que i’elpèce humaine qui eft naturelle
à ces climats, ne connoît point les yeux bleus : je fus tout-à-
fait étonné, dans mon premier voyage à Foulpointe, en
traverfant un village, de voir tous les habitans qui regar-
doient, rioieftt & me montraient les uns aux autres; l’Interprète
me dit que ces gens fe inoquoient de moi parce que
j ’avois les yeux bleus,
Les hommes font tous fans barbe au vilâge, mais ils ont
paffablement du poil fur le refte du corps : les hommes &
les femmes avoient autrefois les oreilles percées de grands
trous, pour y mettre des pendans d’o r , & plus ils avoient
fos oreilles fendues, plus ils étaient magnifiques ; on. en
yoit encore beaucoup qui fuivent cet ufage, & des femmes
qui
qui ont deux trous à chaque oreille; mais'beaucoup fo font
mis à l’ufage des Efpagnols : autrefois ils entouraient leur
tête avec un morceau de toile, aujourd’hui le chapeau eft'
en uiàge; ils le portent blanc, & ils l’ornent de différentes
chofes ou fleurs que leur fournit la campagne. $
- Dans les villages des environs de Manille, l ’habillement
des hommes eft une ehemife de toile de coton, de foie ou
de fil debalifier; cette ehemife, qui paffe à peine le nombril,
flotte au gré du vent, les manches en font larges & fans
poignets dans les provinces : à Manille & aux environs, les
manches de leur ehemife ont des poignets de deux à trois
doigts de large, qui leur ferrent extrêmement le bras, & au
moins deux boutons d’or à chaque poignet , les perfonnes
riches en ont julqu’à trois; iis mettent ordinairement.une
vefte noire par-deffus cette ehemife.
Leurs caleçons font larges & flottans, & ils paroiffent
être dedans fort à l’aife; ces caleçons lie font point fendus
par-devant, mais feulement par un côté, par où eft l’aiguillette;
ils n’ont ni bas ni fouliers. Ceux qui fervent à l’égliiè,
mettent par-deflùs cet habillement, une grande robe qui
deicend aux talons, & les manches vont jufqu’aux poignets, |
C ’eft à quoi le réduit tout le vêtement des Indiens des
Philippines, avec très-peu de différence; ils mettent un
mouchoir à fond rouge autour de leur cou : ce mouchoir eft
un très-grand luxe à Manille, ils les tirent de la côte de
Coromandel ; il y en a de fuperbes. C e qui en relève le
prix eft la broderie dont ils font furchargés & enrichis ; cette
broderie eft en effet d’un très - grand travail, & fe fait aux
Philippines; j’ai vu de ces mouchoirs qui coûtaient plus de
trente piaftres (cent cinquante-fept livres) de broderie, les
Tome II. T