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de Manille, les murs, les forts de cette ville, ainfi que de
Cavité,on efi étonné de voir la quantité de chaux dont on a
eu befoin : cependant cette chaux a été tirée des campagne?
des environs de Manille; &' malgré cela, les carrières doit
on l’a tirée, pareiffent inépuiiables.
Quelques auteurs [Elpagnols prétendent que les Chinois
& les Japonnois qui commerçoient aux Philippines avant
l’arrivée des Elpagnols à ces Mes, leur ont donné originairement
le nom des Ijles des Luçons, nom qui efl relié à la
principale de ces Illes. Ces auteurs fe fondent; for l’autorité
iiiivante : la nourriture des gens de ce pays elt le riz cuit dans
l’eau, fans autre alfaifonnément : on l’apprête tous les jours ; à
chaque repas que les Infulaires veulent faire , ils n’en pilent
que ce qu’il leur en faut précifément ; ils fe fervent pour
cela de mortiers de bois, qu’ils appellent dans leur langue
lofang; ces mortiers font fi communs qu’on ne voit pas une
petite cale làns qu’il y en ait piufieurs ; on prétend même qu’ils
le fervoient de ces pilons & mortiers pour battre aux armes.
Les premiers Navigateurs qui ont abordé ,à Manille, ayant
vu une fi grande quantité de ces pilons, auront fans doute
demandé comment cela s’appeloit, & fur la réponfe des
Infulaires , ces Illes auront retenu le nom d'îles des Lofong
ou Luxons par corruption : au relie, il en efl de cette
étymologie comme d’une infinité d’autres qu’on ne peut
garantir, & qui font très-indilférentes au fojet.
A r t i c l e S e c o n d .
Du climat des Philippines & de leur température.
L e Soleil palfe deux fois l’année par le zénith des Philippines
; cet A ltr e , moyennant cela, élève de la mer
une
une fi grande quantité de. vapeurs que le poids de l’air
devient bientôt incapable de les foutenir ; d’où il arrive
qu’elles retombent avec la plus.grande abondance, forment
des fleuves & des rivières confidérables, des lacs ou lagunes
immenfes, de forte qu’on peut dire que ces Mes font toujours
noyées ; c’elt ce qui arrive alfez généralement à toutes
les terres qui font placées entre les deux tropiques : il pleut
prefque toute l’année aux Philippines, fi ce n’ell dans un
endroit, c’eildans un autre; on reifentdans ces Mes à.peu-
près la même variété des faifons que celle que l’on remarque
à la côte de Coromandel & à celle de Malabar ; faifons qui
viennent de la même caufe.
Les îles Philippines ne font autre chofe qu’un amas confus
de hautes montagnes, dont le fommet fe perd dans les nues;
la principale chaîne de ces montagnes, dont les autres ne
font que des rameaux, court du Nord au Sud > comme lé
font les Gates, & ne font interrompues que par les canaux
qui féparent ces Mes les unes des autres.
Cette difpofition du terrein forme deux faifons différentes
à l’E il & à l’Oueil des Philippines.
A la partie de l’Ouelt,. les pluies régnent pendant les
mois de Juin,. Juillet, Août, & une partie de Septembre;
ces pluies font des plus abondantes, & quelquefois fi opiniâtres
qu’il pleut pendant quinze jours de fuite fans difcon-
tinuer;. c’eil le temps des vents d’Oueilou d’Aval, qui font fi
violens, qu’ils rendent les mers furieufes.: les terres fe fiib-
mergent, les chemins fe.ferment, les campagnes deviennent
des lacs ou lagunes ; dans cette faifon il efl plus facile
de voyager par eau que par terre, à caufe de la quantité
Tome II. B