A r t i c l e o n z i è m e .
De quelques Coutumes ir Ufages des Indiens des
Philippines, ¿7“ de leurs Mariages.
C e s peuples ne connoiffent point i'uiàge de divifer le
temps en années, en mois, ni jours, &c. mais comme
dans ieur commerce & par rapport à la communication
qu'ils avoient néceflairement entr’eu x, iis avoient befbiit
d’une diviiion du temps, telle quelle fût; pour les heures,
ils obfervoient le Soleil , le chant du c o q , le temps
que la pouie met bas fes oeufs, & quelques autres moyens
qui fe pratiquent encore chez les Tagalos ; iis reconnoif-
foient les changemens des faifons au moyen des arbres, de
leurs feuilles & de leurs fruits ; la Lune leur fervoit aufli,
de forte que pour défigner un terme dans l’ufage de la vie
civile, dans leur commerce, iis difent, dans tant de Lunes,
dans tant de récoltes, quand tel ou tel arbre aura donné fes
fruits tant de fois.
Les Tagaios comptaient les jours par le moyen du Soleil,
& ils le font encore aujourd’hui; ils difent un jour, deux
jours, trois jours, &c. aélueilement, ils difent aufli un
Dimanche, deux Dimanches, trois & quatre Dimanches, &c.
iis le fervent par ce moyen de la différence des femaines.
Leurs négociations & leurs contrats étaient pour la plus
grande partie remplis de dois, ou de fraudes & d’ufure;
chaque particulier ne penfoit qu’à fes intérêts particuliers,
& aux moyens de les augmenter fans aucun égard à fes
plus proches parens. Le prêt à gain était fort ordinaire &
fort en ufage, & les intérêts étaient exhorbitans & exceffifs;
ils fe doubloient même: de cette façon la dette croiflbit tout
le temps que le débiteur était fans payer ; à la fin , le débiteur
finilfoit par pafler, lui & fes enfans, au pouvoir du
créancier, il demeuroit efclave ; & tout ce qu’il pouvoit
avoir était par conféquent confifqué. Cet intérêt exceflif
n’e ff pas encore aboli, il eft encore le fujet (m ’ont afliiré
plufieurs Religieux) de bien des dilputes dans les confef-
fionnaux.
Leur commerce fe fait encore en échangeant des effets
co'ntre des effets, & quelquefois contre de l’or. Les effets de
commerce étaient des produélions de la terre; telles que
vêtemens, toile de la fabrique du pays, oifèaux, troupeaux,
terres, maifons, femailles, poiflons, toute forte de palmiers, & c.
Avec les étrangers, le commerce était tout en effets : pour
cela, on prenoit des termes ou délais, & ils exigeoient en
même temps des cautions.
La monnoie n’était point en ufage chez ces peuples f
ainfi, dans leur commerce iis ufoient du poids ; pour l’or
& l’argent ils fe fervoient de balances pareilles aux nôtres :
quant aux chofes d’un plus gros volume, telles que la cire,
la foie, la viande, &c. ils ufoient de romaines divifées en
dix parties, nommées catés, chacune de vingt onces ; la
moitié fe nommoit banal, qui faifoit cinq catés: la moitié
du caté s’appelloit foco. Selon un tarif de 172.7, ces anciennes
mefures furent confrontées, & rapportées aux meferes Caftil*
lanes ; un caté pèfe une livre lix onces, par conféquent
quatre-vingts catés anciens répondent à quatre arrobas & dix
livres Caftiilannes : l’arroba pèfe vingt-cinq livres poids de
France ; ainfi les quatre-vingts catés font cent dix livres argent
de France : fis ont outre cela des mefures concaves ou creufes;
la braffe & la palme font encore en ufâge.
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