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d’Efpagne pofiède Manille, il n’y a , dis-je, qu’un exemple
d’un Gouverneur de cette ville repaiîë en Europe; les autres,
au nombre de près defoixante, ou font morts, à Manille
ou dans leur retour en Eipagne : on m’a aifuré que leurs
tréfors le font fondus au point que leurs héritiers n’en ont
rien pu recueillir.
Les Indiens de l’îfle Luçon, qui n’ont point fubi le joug
des Efpagnols, habitent le centre des terres & les fources
des rivières; ils s y maintiennent à l’appui des montagnes
inacceffibles ou ils fe réfugient. & où il eft difficile, pour
ne pas dire impoffible, de pénétrer; ce font autant de
thermopyles, ceft-à-dire des détroits ou paiîâges fi étroits que
dix hommes font en état d’en arrêter plus de mille. C ’eft dans
ces lieux inacceffibles que font enfouies la plus grande partie
des piailres que les Elpagnols- ont portées à Manille depuis
plus de deux cents ans ; ces montagnards, nommés Ygolote's,
lorfqu’ils ont fait leur petite collette d’or, defcendent des montagnes
, trafiquent cet or avec les Religieux des différentes •
Peuplades , ou avec les Alcades,, puis ils s’en retournent fe
renfermer dans leurs citadelles avec les piaftr.es. qu’ils ont rap-,
portées : o r , Ion ma aifuré qu’il fe trafique ainfi tous les ans,
pour plus de deux cents mille piaftres d’or, ce commerce dure [
depuis deux cents ans , & par confequent, ce font près de vingt
millions deux cents mille piaftres, ou plus de cent millions,
de livres, argent de France, qui font englouties fans elpoir
de ravoir ce tréfor, qui au lieu de diminuèr augmente journellement,
parce que les peuplés qui en jouilfent né font point
efelaves des befoins, la Nature femble auffi 'avoir pourvu à.-
leur fureté : ces deux raifons rendent les Ygofotés indomptables
; rien rj étant plus difficile que d’affiijettir des Peuples qui
n ont point de befoins, & qui avec cela ont pour remparts
des forêts, des montagnes & des précipices impénétrables ;
ces peuples font beaucoup plus riches en valeur numéraire
que ne i’eft la ville de Manille. Nous nous étendrons davantage
fur lë chapitre de ces peuples dans l’article qui traitera
des diffërens peuples des Ifles de l’Archipel des Philippines.
Il n’y a point aux Philippines de mines d’argent, à la
-place , il y en a de fer & de cuivre rouge '& blanc,
femblable au câlin; il y a des carrières de très-beau marbré
blanc , qui ont été inconnuès pendant plus de deux cents ans,
on en doit la découverte à Don Eftevan Roxas- y Mefo,
dont j’ai, déjà beaucoup parlé ; avant lu i, les Manillois igno-
roîent qu’ils euifent à la porte de leur ville un tréfor pour
bâtir, ils faifoient venir à grands frais du marbre de Chine.
Le Péruvien M e lo , Chanoine de la Cathédrale de; Manillé,
chargé du foin de, rebâtir cet édifice, & envilageant les
dépenfes immenfes qu’entraîneroit néceflairement, le tranff-
port des marbres de C h in e ch e r ch a s’il n’y; auroit point
de marbre dans les environs ; if trouva à l’eft de Manille
cette carrière, c’eft la première chaîne de montagnes que
l’on rencontre à l’E ft, il faut la franchir pour arriver àtta
grande chaîne; elle eft au pied de celle-ci, formant l’avant-
chaîne, & eft beaucoup moins élevée; elle n’eft qu’à fepf à
huit lieues de Manille. Les principaux ornemens de_ la Cathédrale
font faits de ce marbre, toute la chaux dont on a
eu befoin pour ce vafte & bel édifice, en eft également
laite ; les PP. de la Compagnie de Jéfus en avoient pavé
toute leur églife. ; les bénitiers en font1 faits, taillés dans des
blocs fuperbes ; la montagne qui renferme ce précieux dépôt
s’étend plufieurs lieues du Nord au Sud, elle n’a point
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