cet homme mourut de débauches & de trop de boiffons : fa
femme & fes parens pensèrent qu’on l’avoit empoifonné;
mais iis n’eurent que des iôupçons, & voici comme cette
affaire fe paffa.
Tamftmilo avoit pour concubine une femme, à qui fa beauté
avoit fait donner ie nom de Rachel par les Angiois ; il s’en
ennuya & la renvoya : cette Rachel 'alfa chez Larée, autre
fils de Forban , qui a donné fon nom à cette pointe dont yai
parlé à l’article àe Sainte - Marie., C e C hef, fubordonné à
Tamftmilo, mourut empoifonné; Rachel, qui demeuroitavec
lu i, fut foupçonnée, & la famille de Larée voulut lui faire
prendre le tanguin *; elle fe fauva à Fénériffè, auprès de Tam-
fimilo, proteftant de ion innocence & réclamant fa protection.
Tamftmilo la reçut & lui donna afile ; mais on affure qu’il ne
la vit pas : quoiqu’il en foit, il fe trouva malade à Fénériffè;
fa femme étoit reliée à Foulpointe, qui eft à huit lieues au Sud
de Fénériffè : Tamftmilo y fut mourir. Sa femme, que j’ai vue
& connue, foupçonna, avec aflèz de vraifemblance, Rachel,
qui étoit reliée à Fénériffè; elle voulut encore fe fauver, mais
elle ne put s’échapper : plufieurs Noirs qu’elle avoit mis dans fes
intérêts, formèrent le complot de l’enlever & échouèrent.
Rachel fut donc amenée à Foulpointe ; on lui donna le tanguin,
¿ont elle mourut. Une Négreffè, fon efclave, fe fauva;
on la prit & 011 la conduifit auffi à Foulpointe : la femme, de
Tamftmilo la condamna à être fagayée. Les François qui étaient
à Foulpointe, offrirent de cette Négrelfe, pour lui fauver la
* Le tanguin eft un poïfon fort fujotii, dont on fe fert a Foulpointe & a
Ji baie d’Antongii, pour convaincre quelqu’un du crime dont on le foup-
çonne ; c’eft , à ce qu’on m’a di t , une efpece de. poire : au Sud de
Foulpointe, oa Je furt de lepreuve d,u feu ou du fer rouge,
vie,
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vie, une ibmme beaucoup plus confidérable qu’elle ne valoit;
enfin, tout ce qu’on voudroit la vendre ; Mamadiou ( é'étoit le
nom de la femme de Tamftmilo) inflexible, ne voulut point,
dit-elle, vendre la mort de fon mari ; & par une confé-
quence des moeurs fauvages des peuples de Madagalcar, fur
le fimple foupçon, la Négreffè, innocente ou coupable, fut
facrifiée aux , mânes du défunt, & fagayée. Après la mort
de cette infortunée viélime, on crut encore pourluivre le
crime en exerçant mille indignités fur le corps mort ; les-
Noirs le mirent enfin en mille morceaux.
Tamftmilo étoit allié avec le roi ou chef des Seclaves;
peuples de la côte de l’Ouell de Madagalcar; ce roi des
Seclaves lui donna deux de fes filles en mariage, dont il eut
plufieurs enfans ; les principaux furent une fille nommée
Betti, qui vit retirée à l’Ifle-de-France, & un fils qui fut
nommé Z anhare en nailfant; ce mot lignifie Dieu, dans la
langue du pays.
Les fujets de Tamftmilo, du moins lès courtilàns, defiroient
avec tant d’ardeur de voir un enfant mâle de leur maître, que
lorlque celui.dont nous parlons ici vit le jour, ils en témoignèrent
leur joie d’une manière bien fatisfaifante pour le
Souverain; il y eut une décharge de fufils, accompagnée,
d acclamations, 8c d un cri général que leur Dieu étoit etftt
venu, d’où le nom de Zanhare lui relia.
Z anhare n’avoit qu'environ feize ans lorfque fon père
mourut; là foeur Betti avoit quelques années de plus : la cou-
tume du pays n admet pas toujours les enfans mâles à foccéder
aux Souverains ; à plus forte raifon, les filles ne peuvent pas
lè flatter d’y être admifes.
Comme ces Etats font fans loix fondamentales, un Roi ne
7 ome I I , X x x