huit : cela n’étolt pas général,-mais on ne voyoït guère de
fouche qui n’eût au moins un épi niellé.
A Flacq, le blé rend ordinairement, à ce qu’on m’a dit,
vingt pour un, & même trente dans les terreins neufs, &
dix dans ceux quT font ufés ; mais pour tout cela il faut fe
concours de bien des circonilances favorables; que les rats ûc
les oifeaux lelaiifent en repos; que 1a trop grande abondance
de pluie ne ie faffe pas couler ; que la nielle ne 1 attaque
point.
C e faible rapport du blé à l’iile-de-France doit étonner
d’abord, d’autant mieux encore que ia façon de, cultiver eft
préférable à celle de France : ici on sème le blé, là on fe
plante réellement, à caufe des roches qui lie permettent pas
d’ufer de la charrue : cette méthode exige plus de monde.
Au refte, fi ce petit produit peut étonner*, d’un autre côté ;
il faut coniidérer que la même terre ne repofe point ; qu’on
ne la fume jamais, & qu’il y a des fléaux attaches a cette Iffe,
qui tous femblent' concourir à en chaffer i’elpèce humaine.
II n’y a pas de doute, qu’en laiffant repofer la terre, & en
y répandant quelques engrais, on en augmenteroit la fécon?
dite, du moins dans bien des habitations; le premier moyen
pourroit abfolument avoir lieu , mais le fécond me paroît
prefque impoffible à exécuter ; pour cela il faudroit beaucoup
de beftiaux, mais ils font rares & le feront toujours à l’Iile-de-
France, parce que ces animaux y manquent fouveiit du ne-,
ceffaire ; les favannes ne donnent (le l’herbe que pendant
une partie de l’année, & on n’a point de prairies où l’on puiffa
recueillir du foin. La fatague qu’on a tranlportée de Madagafcar,
jne paroît mal réuffir à flfle-de-France, quoi qu’on en puiife
¿ire, cette herbe yeut de bonne terre & beaucoup d’eau,
, " • A l’ifle-de-Fw^
A î’iile-de-France on tire boeufs principalement de
Madagafcar, où ils font de la plus grande beauté; mais iùr
trois cents boeufs qui partent en bon état pour i’Ifte-de-France,
elle n’en reçoit pas plus de cent cinquante ou deux cents ; il
en meurt donc au moins un tiers dans ia route : de ces deux
cents il en périt encore près de moitié avant que l’année foit
paifée, tant ces animaux ont de peine à fe faire au climat : ils
dépériffent en effet & meurent à vue-d’oeil; ils deviennent
fujets à des maladies inconnues, mais que je crois provenir
de la nourriture; car la plupart périt d’indigeftion, ne pouvant
point digérer les herbes qui leur fervent d’alimens. La galle
les attaque auffi. Mais quand ces nouveaux venus peuvent
paffier l’année fans être malades, leur tempérament fe fait
au climat. Les beftiaux nés dans i’Ifle font exempts de cet
maladies, & font d’une affez bonne venue, mais toujours
bien inférieurs en beauté à ceux de i’Ifte-de-Bourbon, de
Madagafcar & du cap de Bonne-efpéraiice, dont on en tire
auffi.
Dans cet affreux chemin de Saint-Denys à Saint-Paul dont
j’ai parlé, à travers des montagnes efirayantes, on trouve des
troupeaux fùperbes de boeufs; des portions deces montagnes
paroiffent de loin comme fi elles étoiènt blanches, par ia^
quantité de troupeaux de cabrits qui y font toujours; les précipices
fans nombre qui enîre-çoupent ces montagnes n’empêchent
pas ces animaux de les gravir & de les habiter. Cette
vue me fit grand plaifir, elle m’annonça un pays où l’on peut
vivre; auffi la vie eft très-bonne à l'Iile-de-Bourbon.
Outre cela cette Ifle fournit aux Vaiffeaux des légumes,
des canards, de la volaille ; c’eft à Saint-Denys & à Saint- Paul
qu'ils vont toujours en portant de i’Ille-de-France, pour s’y
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