le vin & les vêtemens; avec fes cafés eette Ifle fe les procurerait
abondamment.
Le café peut donc être un grand objet de commerce ;
mais j’ai ici quelques réflexions a faire fur cet objet.
Le cafier eft un arbre des pays chauds, mais il ne vient pas
également bien dans tous les pays chauds, 8c de-la viennent
les différentes qualités.
Le café de la première qualité eft celui d Arabie ; celui
d’Amérique, c’eft-à-dire de la Martinique, 8c celui de l’Ifle-
de-Bourbon me paroiffent fe difputer le fécond rang. Une
quatrième eipèce eft peu connue en France, ceft celle de
Java 8c de Ceylan ; elle eft de qualité très-inférieure à celle
de la Martinique ; elle eft même mauvaife : je parle d après
des expériences que j’ai faites dans 1 Inde. Java 8c Ceylan
font cependant fous la Ligne ou aux environs, 8c il y doit
par cette raiion, toutes chofes égales, faire beaucoup plus
chaud que dans la partie de l’Arabie ou croit le cafe : je fais
qu’à Moka, par treize degrés 8c demi de latitude,, il fait fort
chaud, 8c peut-être autant qu’à Ceylan & à Java, mais la
chaleur de Moka ne décide pas de celle de l’Arabie ; 8c à
M o ka , ni à près de quinze lieues à la ronde, il ne vient
pas un grain de café, il faut l’aller chercher dans les terres.
Bctelfaquir, à vingt-cinq lieues dans le Nord-nord-eft, eft
le marché, 8c Moka eft le port où il s’embarque, au milieu
des fables brûlans 8c arides qui ne produifent que des dattiers,
8c que les pluies n’arrofent jamais. Dans les montagnes de
l’Arabie il pleut, 8c c’eft de cette pluie que les Arabes Lavent
ménager à propos (car elle n’eft pas abondante ) quils entretiennent
leurs cafiers. Ifs les plantent autour des montagnes
, comme en fpirale, éloignés les uns des autres, &
toujours au-deflous de l’endroit où l’on peut tirer de l’eau
pour les arrofer de temps en temps par des canaux ou des
rigoles. Il pleut fans doute trop à Ceylan 8c à Java, Sc
quoique le cafier demande à avoir le pied frais, il n’aime
pas la trop grande abondance de pluie.
Quoiqu’il faftè fort chaud à Moka pendant l’été, il y fait
frais en hiver, 8c par conféquent il fait froid dans les montagnes
où font les plantations de café ; car cette partie de
l’Arabie eft femée de montagnes qui .-s’élèvent les unes au-
devant des autres en amphithéâtre.
Les Arabes, pour prévenir la dégradation des terres,
entourent le grain de café, quand il eft planté, d’un petit
rempart de roches ou de galet, qui garantit ainfi le pied
de l’arbre. Ils ne mutilent point ces arbres, les iaiffant croître
au point que la Nature leur a affigné, c’eft-à-dire, à vingt-
cinq, trente 8c trente-cinq pieds de hauteur.
Les Arabes n’eftiment point le café des plaines ; c ’eft un
grànd grain qui n’a prefquepas de valeur en Arabie. A mefure
que l’on s’éloigna des bords de la mer 8c que le térrein
monte, le café devient meilleur; or il fait très-froid dans les
montagnes, 8c le «afé qu’on en tire eft de la première qualité
: la grande chaleur n’eft donc pas la feule caufe de la
Bonté ou de la qualité du café.
Il gèle à Senam *(c) même, capitale des Etats de l’Iman,
à environ i 5 degrés de latitude Nord, jufqu’à glacer des
étangs. Je ne puis dire pofitivement s’il y croît du café, mais
(c) Ou Sanaa , ( Vqyeç Diélionnaire de la AJartiniere) ou Sana, capitaie
de PYemen dans l’Arabie heureuiè, à 15 degrés 20 minutes de latitude, à
plus de cent lieues de Moka, dans les Montagnes. ( Voye£ le Voyagé en
Asalpu f par Niebuhr, Tome J),
R r r r ij