le vent fe trouva par hafàrd fouffler de la partie du Nord, de
façon que je me trouvai fous le vent de l’incendie; & je crai-
gnois; avec raifon, qu’il ne portât chez moi quelquetincelle,
qui m’eût bientôt embrafé: je craignois for-tout pour mes inf-
trumens d’Ailronomie ; car j’avois porté la veille, comme je
l’ai dit, tous mes livres & journaux à bord de mon Vaiffeau.
A la vue du feu, je filai le long du bord de la mer, &
je gagnai à grands pas mon logement; ma crainte redoubla
lorfque j’entendis plufieurs coups de fufil. dont j’ignorois la
caufe, & en même temps crier aux armes.
Mon premier foin, lorfque je fus arrivé, fut de mettre
dehors, avec mon Marmite, mon quart-de-cercle & ma
pendule, que je portai for le bord du plein, difpofë à mè
fàuver à bord de mon Vaiffeau, dans ma pirogue, avec ces
fouis effets & d’abandonner les autres; cependant, le feu con-
tjnuoit toujours fos progrès, & j’entendois de temps en temps
des coups de fufil; mais étant éloignés les uns des autres, je
me raiforai un peu : je laiffai donc mon Marmite à çôté de mes
inifrumens, & j’allai vers le centre du quartier, où j’appris,
des premières perfonnes que je vis, la caufe du fou ; qu’il
avoit gagné le magaiin où étoient en dépôt plus de cent fufils
charges ; que M. de Lavai avoit fait tous fos efforts pour fàuver
tous ces fufils, dans la crainte qu’ils ne tuailént ou n’eflropiaifont
quelqu’un, & qu’on n’avoit pu en retirer que très-peu ; que la
flamme ayant gagné les autres, étoit caufe de ce que j’en avois
tant entendu partir. Je vis en même temps tous les mouvemçns
quon fe donnoit pour , arrêter la marche rapide du feu ; je
ramenai avec moi trois Noirs de Xanhare, que j’engageai,
fous la promeffe d’une récompenfo, avenir m’aider à déloger
Si à garder mçs effets for le bord de la mer : lorfque je fus eu
fureté
fûreté de ce cote, & que je vis qu’il n’y avoit plus que mes
cafos d’expofees, j’allai voir où en étoient les chofes.
Xanhare, de deffus le toit d’une cafe où il étoit monté,
accompagné de deux Noirs, avoit appelé tout fon monde;
il commença par envoyer un détachement d’environ cent
hommes vetsPacembole, par où Silouloute, que nous craignions,
pouvoit déboucher; le refte des hommes fut diftribué au travail:
aux femmes, dont le nombre n’étoit guère moindre de
deux cents, il ordonna de voiturer de l’eau avec leurs calebaffes
& leurs bambous.
Pour empêcher le pillage, qui va ordinairement avec les
incendies, il y avoit deux à trois Noirs qui faifoient perpétuellement
le tour du quartier, & qui crioient, par ordre de
Xanhare, à très-haute voix: Malheur à ceux qui voleront les
Blancs, ils ne verront pas le jour demain; ils feront fagayés
avant le lever du Soleil. Cela n’empêcha cependant pas qu’il
n’y eut beaucoup de chofes qu’on ne put retrouver, que la
flamme avoit lans doute dévorées, ou qui furent vraifembia-
blement volées par quelque main blanche ; car Xanhare nous
rapporta le lendemain matin des couverts d’argent qui avoient
été trouvés par fos gens.
Le feu étant tout-à-fait éteint, je fis rentrer mes effets dans
ma cafe, & me difpofai à réparer la perte de la nuit précédente,
que nous avions prefque toute paffée en alerte,.
Que l’on juge à tous ces traits, s’il feroit fi difficile qu’on
le peut croire, de s’établir à Madagafcar & de s’y çonferver.
LesHollandois, dont la domination eft certainement plus tyrannique
que la nôtre, fe font bien établis au milieu d’une Nation
qui paffe pour la plus perfide & la plus cruelle de toutes celles
des mers de l’Inde ; des Malais, dis-je, qui ne leur font aucun
Tome II. Z z z