du lac Mexico ; ce canard, qui eil une groffe eipèce connue
dans nos Ides de France & de Bourbon fous ie nom de canard-
manille , profpère bien aux Philippine^, &.'y eil excellent.
Le porc y eil à grand marché, auffi en mange-t-on beaucoup
à Manille; on le met à toute iàuce, & comme on,
n’a point de beurre, la graille de porc y fupple'e, & c’eil
avec elle que l’on fait les fauces & les ragoûts ; ces fauces
& ces ragoûts font ordinairement mal-faits, on n’y connoît
point le Cuifmier-français,, & en général 011 mange mal
dans toutes les maifons de Manille ; on y boit avec cela
très-peu de v in , car il y eil fort rare & fort cher. Voici
quel eil ie repas du Manilfois: il mange là foupe ( fouvent
il n’en a pa s), enfoite un morceau d’aifez mauvais boeuf;
après cela il goûte d’un mauvais ragoût fait ayec des morceaux
de boeuf ou de porc çaiîes par petits morceaux ; les gens un peu
riches ont ordinairement-un ragoût fait de pieds de cochon,
plat fort ellimé dans le pays, & en effet il eil allez bon
quand les pieds font bien cuits; les perfonnes très-aifées
ont quelquefois de la volaille ; tout ce repas fe fait fans
boire ; aux Etrangers, quand il y en a , on fort du vin &
de l’eau; quant à eux, Elpagnols, ils difont que le vin eil
nuifible à ceux qui font habitués à vivre dans le climat ; qu’on
peut en boire quelquefois, mais rarement ; cependant j’en ai
connu qui s’y faifoient très-bien quand ils mangeoient chèz
quelque François, & il m’a paru qu’en général la grande
cherté du vin leur prefcrivoit cet auilère régime-
L ’Eipagnol fait donc fou repas iâns vin à Manille; on
deifort, & on apporte quelques fruits & des confitures fur
une aifiette, avec une feule fourchette ; la maîtreffe de la
jpaifon prend un peu de confiture avec la fourchette & boit
par-deifus
par-deffus un immenfe vafe d’eau; l’aifiette fait enfuite le -
tour de la table ., & chacun avec la même fourchette prend
un peu de confitures, & a derrière lui un domeilique tout
prêt qui lui préfente un grand gobelet d’eau, ou un grand
vafe de j terre appelé jarro, plein d’eau, dont il boit ce
qu’il peut; après cela, on mange les fruits; les domeitiques
ôtent la nappe, difent les grâces, apportent des cure-dents,
& du tabac à fumer.
J’oubiiois de dire que lorfqu’on a ôté la nappe, on met
dans quelques maifons, fur la table, un grand plat long
plein d’eau, & on vous propofe de vous laver les mains ;
on engage la maîtrelfe de la maifon de fe laver la première,
ce qu’elle accepte très-volontiers ; on lui pouffe donc le plat,
elle fe lave bien les mains, puis fe paife deux à trois fois
les doigts fur les lèvres, fecoue les mains dans 1e plat, &
elle s’effuie avec un effuie-main qu’un domeilique lui préfente.
Le plat paife, comme l’affiette de confitures, à tout le
monde,félon fon rang. J’ai vu pratiquer cette dégoûtante
méthode dans de bonnes maifons ; dans d’autres, on vous
apporte fimplement un pot à l’eau, & on vous en verfe iùr
les doigts fi vous voulez vous laver.
L ’é té, lorfqu’on revient de la promenade, on vous propofe
de vous rafraîchir ; & dans l’inilant on voit paroître
plufieurs domeiliques : celui qui ell à la tête porte une aifrette
fur laquelle eil un petit pot de confitures & deux fourchettes
au plus ; la maîtrelfe de la maifon ayant pris un peu de
ces confitures, l’aifiette paife de fuite à tout le monde comme
à la fin des repas , & ceux qui veulent prennent des confitures,
toujours avec la même fourchette; les domeiliques
qui fùivent portent des vafes de terre très.propres, pleins de
Tome II. Q