Depuis mon départ, en 17 7 1 , ûn à fait â l’IiIe-de-Franèe
une fécondé expédition aux Moiuques pour Je même objet;
on en a, dit-on, rapporté beaucoup de noix, dont on a envoyé
aux Mes Sechelles & à Cayenne. La noix que ion vit à
F Académie, en 1773. » été jugée par les Commiffaires ia
vraie mufcade marchande; il eft certain que celle de 1770,
que j’ai vue fur les lieux ne f¿toit pas, du moins les quatre
cinquièmes.
Quant au clou de gérofle, on aflitre qu’il vient bien à
l’Ifle-de-France, & on nous eh a fait voir à l’Académie du
produit de cette Ifle, mais beaucoup plus petit que celui des
Moiuques; je doute de plus qa’il ait autant de force, car
on ne peut douter que chaque climat n’ait fes produétions
propres à fa nature, & que leurs qualités ou vertus ne s’affoi-
biiffent en paffant dans un autre tout différent : de-là yient
que tous les fruits des Indes ne font que médiocres à i’Iffe
de-France. Le manguier, par exemple, vient affez beau à
l’Ifle-de-France, mais le fruit qui en provient ne peut fe
comparer en aucune façon à celui de la côte de l’Inde, &
iùr-tout à la mangue de Manille.
Je n’ai jamais mangé de meilleur fruit que la mangue des
Philippines ; nos meilleures pêches n’en approchent pas : à
Manille, fur un manguier on ne trouve pas une mauvaife
mangue ; à l’Ifle-de-France fouvent fur le même arbre, les
trois quarts des mangues font déteftables. '
Le mangouftan, ce roi des fruits,, félon tous ceux qui en
ont mangé, ne vient qu’à la côte de i’Eft de l’Inde ; on en
apporta en 1 754, à l’Me-de-France, de jeunes plants; il en
reftoit encore quelques-uns en 1770-, mais en fi mauvais
état, qu’il n’y a pas d’apparence que cet arbre réuffiflè jamais
dans cette Colonie ; la terre où je l’ai vu à Malacca eft extraordinairement
grafïè, forte, maréçageufe, & bourbeufe pendant
les trois quarts de l’année; il fait en outre très-chaud à
JVlalaçca & il y pleut beaucoup, aufii le mangouftan y vient
très-vite & fuperb.e. La terre de l’Ifle-de-France eft une efpèce
de terre légère & de tuf,’ elle n’eft pas, à beaucoup près, fi
arrofee que la prefqu’île de Malacca ; il n’y fait pas non plus,
à beaucoup près , fi chaud : ainfi cette grande différence de
fol & de climat fait voir que le mangouftan eft très-déplacé
à rifle-de-France, car je rends encore ici juftice aux habitans
de cette Me ; l’émulation que j’ai reconnue en eu x , du moini
chez les perfbnnes aifées, leur a fait prendre de cet arbre un
foin tout particulier fans avoir pu réuffir.
Madame ,1e Juge en a un qu’elle foigne depuis quinze ans
(en 17 70 ); c’eft le plus beau ou plutôt le feu! beau qui
exifte de tous ceux qu’on a apportés ; il eft petit, ne profite
point & même dépérit; j’en ai vu un autre chez M . d’Hauterive
qui eft du même temps , il eft à peine de la groflèur d’un
pêcher de deux ans, n’ayant prefque point augmenté depuis
quinze ans (en 1770) .
Il n’y a pas jufqu’au papayer dont le fruit eft au-deflous
du médiocre à l’Ifle-de-France, & qui eft bon à Manille ;
enfin je me rappelle que dans le détroit de la Sonde, les
Malais de Java nous apportèrent des figues bananes belles,
jaunes à faire plaifir, & nous les trouvâmes bien fupérieures
à celles de i’Ifle-de-Françe,
Que dirai-je du cacao, qui pourrait former une branche
intéreffante de commerce! je ne puis affiner que le cacaoier
vienne jamais bien à l’Ifle-de-France » fi j’en dois juger par
le feul pied que j’y ai laiffé en 1 77 1. Je ne puis parler que