oranges, máme de Portugal, déteftables : les Manillois en
mangent ordinairement le matin à jeun, ils difent quelle eft
alors merveilleufe pour divifer les humeurs; ils en mangent
peu à midi & jamais le lo ir , parce quelle nuit, félon eux,
à la digeftion; ils fuivent en cela le proverbe Portugais,
qui dit, que le matin l ’orange efl d’or ; qu’à midi, elle efl
d’argent ; & le foir de plomb.
Dans quelques cantons de montagnes, quelques perfcmnes
ont eflàyé de faire venir le châtaignier, le chêne & l’avelinier;
les premiers fùccès ont été heureux, mais la culture
de ces arbres a été abandonnée.
On voit aux Philippines- quelques rofès d’Europe.
Les fruits de la nouvelle Efpagne y ont très-bien profité
& y viennent excellens ; on y cultive avec lùccès les légumes
fuivans : l’a il, l’oignon, les choux, les tomates, la pomme-
d’amour , forte de légume brun en forme d’artichau ; les
raves, la laitue, le melon, les concombres, le melon d’eau
de plufieurs efpèces, il efl excellent; les citrouilles ou calle-
bailes rouges & blanches; les pois, les aiperges, le perfil,
le cumin, herbe fèmblable au fenouil; le piment, la carotte
jaune, l’épinars, la moutarde, plufieurs efpèces de haricots,
& enfin une forte de lentille ; le choux-fleur y vient auffi,
on en tire la graine de Batavia : apparemment qu’il ne graine
point aux Philippines.
II y a beaucoup d’herbes propres à l’apothicairerie, telles
que la chicorée, buglofè , pourpier, &c.
On n’y mange point ou prefque point de mouton, parce
que 1 intempérie du climat & l’humidité de la terre ne lui
conviennent point ; en revanche, il y a de nombreux troupeaux
de boeufs qui fourniflênt aux boucheries, où l’on a
la viande à très-bon marché: on y vend auffi quantité de
cochons, tant domefliques que fauvages ; cet animal y efl:
même fi commun qu’on fe fert de fa graifle pour les fauces,
ragoûts & fritures, car on ne connoît point le beurre à Manille,
& on y fait très-peu d’ufage du lait. Les Manillois trouvent
fans doute moins de peines- ( car on aime affez; le repos dans
ce climat ) à ufèr de la graiffe de cochon dans les repas, qu’à
nourrir & entretenir des vaches & à faire du beurre. C e
genre de nourriture, joint à la chaleur & à la grande humidité
de la terre, occafionne des relâchemens confidérables dans
plufieurs perfonnes : c’efl: auffi à Manille que je refîèntis pour
la première fois, après quatre ou cinq mois de fejour, un
pareil relâchement dans faîne gauche, qui fut fuivi d’une petite
hernie qui m’incommoda beaucoup.
On ne connoît dans ce pays aucune elpèce de bandages,
les Indiens y ufent de fufpenfoir, en forte que je fus obligé
de garder, fans fècotirs, mon incommodité pendant plus d’un
an encore, ce qui m’eût mis dans la néceffité de me renfermer
dans mon appartement & dans la ville, fi le P. Don Eftevan
JRoxas y Meio mon ami n’eût pas joui de l’avantage d’avoir
un bon carrolfe, dans lequel nous allions affez régulièrement
toutes les après-dînées nous promener dans les environs de
Manille ; j’avois encore le même avantage avec Don Andres
Roxo. Les Chirurgiens de Manille attribuèrent cette incommodité
à un gonflement occafionné par le fang , ils voulurent
en conléquence me faire faigner & me donner des rafraî-
chiffemens ; je crus faire fagement de n’ufèr ni de l’un ni
de l’autre remède. On efl: heureux dans ces climats, ces
cruelles maladies qui affligent le genre humain dans une
partie de l’Europe, font ignorées aux Philippines; 011 y vit