La veille de Saint André, la V i lle , accompagnée des
Citoyens, làns aucune exception, monte à cheval, & fe rend
à quatre heures chez le Régidor en charge pour cette même
année ; de-là on va à l’Hôtei-de-ville, d’où le Régidor tire
le drapeau royal - •( ils le nomment pendon ) ; de i’Hôtel-de-
ville, le cortège failânt un tour limité dans les rues de la
v ille , le rend à la Cathédrale ; l’Enfeigne place le pendon
au côté droit de i’Autel ; on chante les Vêpres, après lefquels
on reporte avec la même cérémonie le pendon à l’Hôtel-de-
viîle ; on reconduit le Régidor chez lui, où il a eu foin de
faire préparer toutes fortes de rafraîchiflèmens, & l’on danfè
une grande partie de la nuit.
Le lendemain, jour de la fêté , la même cérémonie recoin-
mence ; on va à huit heures & demie chercher le Régidor, &c.
on le rend à la Cathédrale, où l’on chante une Grand-
Meflê & où l’on prononce le Panégyrique de Saint André :
au retour, chez le Régidor, on trouve un déjeûner qui fort
de dîner ; après lequel chacun s’en va faire la fiefte. Le loir
il y a bal chez le même Régidor, & ce bal dure ordinairement
pendant toute la nuit ; on ne prend de repos que pendant le
louper qui eft à dix heures.
L ’ufage de faire la fielle eft général à Manille ; je ne fois
pas même li les Gardes & Sentinelles des portes de la ville
ne la font pas; ce qu’il .y a de vrai eft que depuis midi
jufqu’à trois heures les portes de la ville font fermées, dans
la crainte d’une fuprifo, parce qu’on a l’exemple, que les
Chinois qui fe font anciennement révoltés, avoient choifi
deux heures après midi, moment de la fiefte des Elpagnols,
pour mieux réulîir dans leur projet.
Les grandes chaleurs, comme je le dirai plus amplement
dans
dans un article à part, arrivent avant les pluies, en A v r il,
Mai & une partie de Juin; en Avril & Mai fur-tout, qu’il
ne pleut point ou que très-peu, les chaleurs font excelfives, le
thermomètre monte à 33 & 3 4 degrés ; cette foifon eft le
temps des vacances : alors Manille eft défert, la plus grande
partie des Efpagnols en fortent, & ils vont fur la rivière
dans des efpèces de maifons de campagne, bâties fur le
bord de l’eau, c’ell ce qu’ils appellent être en vacation.
La fête de Pâques eft toujours le lignai de Ja tranfmigration ;
le retour eft au commencement de Juin, quand les vents
d’aval fe déclarent, & que les pluies commencent à venir.
Ces maifons de campagne font fort agréables ; elles n’ont,
à la vérité , félon l’expreflion d’une de nos comédies, ni
cour ni jardin ; mais une belle campagne remplie de verdure
& émaitlée de fleurs naturelles de toute elpèce, & la rivière,
en font un féjour charmant ; d’ailleurs, ces maifons doivent
être plus réputées bains que maifons de campagne. En effet,
pendant le temps que les Elpagnols font en vacation, ils le
paflènt prefque tout dans les bains qu'ils , font conftruire
exprès fur le bord de l’eau ; c’eft alors que règne cet abus
dont j’ai parlé ci-deffùs, page 1 1 j .
J ’ai dit qu’on ne connoît point à Manille d’autres maladies
que le cours de ventre dont on meurt ordinairement: on,y
voit encore la folie, celle-ci eft la maladie à la mode,
quantité de perfonnes en font attaquées ; mais il eft plus ordinaire
de la voir régner parmi les femmes & les Religieux :
ceux-ci fur-tout y font très-fujets, la vie qu’ils mènent y
contribue beaucoup ; être toujours, renfermé dans un climat fi
chaud, peu de nourriture & mauvaife, étudiant beaucoup,
peut-être un peu de regret de fe voir relégué & enfermé fi
Tome II. R