c’eit la meilleure fauvegarde que l’on puifle avoir pour là vie;
elles vous avertiffent de tous les complots, vous engagent à
prendre garde à vous, à vous cacher ; elles vous fauvent même
quelquefois quand elles le peuvent fans s’expofer à être foup-
çonnées ; auffi les Noirs s’en méfient dans ces fortes de cas,
8c trament leurs complots le plus fecrètement qu’ils peuvent.
J’ai connu très-particulièrement la fille de Tamfimilo ou
foeur de Zanhare, dont j’ai parlé ci-delîus ; cetoit, fans contredit
» une des plüs belles femmes que l’on pût voir : elle m’a
raconté la fin tragique du Commandant de Sainte-Marie; elle
m’aifura plus d’une fois, que cet homme n’avoit jamais voulu
l’écouter; que s’il eût voulu fuivre lès avis, il fè fût fauvé,
8c eût évité le coup qu’on lui porta.
Cette Négrelfe, nommée Betti, comme je l’ai dit, étoit
depuis plufieurs années à l’Iile-de-France, où elle avoit une
habitation & des efclaves. Quelques prétentions quelle eût
fur l’île Sainte-Marie, comme lui appartenant de droit, elle
craignoit 8c avec raifon, que fon frère Zanhare ou fes cou-
tendans, ne la laiffaifent pas pofféder tranquillement ce petit
État; elle le donna en propre à la Compagnie des Indes, par
un aéle qui doit encore exifter ; 8c elle préféra une vie fans
inquiétude quelle menoittà l’IÍIe-de-France, 8c qu’elle n’eut
pas étéfure de mener à Sainte-Marie. En 1762 , elle fit un
voyagé à Foulpointe 8c à Sainte-Marie, pour achever d’en
' retirer fes efclavés 8c amener avec elle fa mère qui vivoit encore.
Cette fille policée, j’ofe le dire, comme auroit été une
Françoilè, joïgnoit à une très-grande beauté, les qualités d’un
coeur excellent; elle étoit fur le VaiífeaU de M. de Laval,
avec lequel j’ai fait ( Voyei article troifième ) le v o y a g e de
Sainte-Marie 8c de là baie d’Aiitongil.
Ces petits détails ne font point inutiles ici ; je veux peindre
les moeurs d’un peuple qu’on a trop décrié en- France, fans
peut-être le connoître allez, 8c contre léquel nous nous prévenons
avant que d’aller chez lui : pour moi, qui me fuis
regardé dans tous les inftans de mes voyages, comme fi je
n’euflé appartenu à aucune Nation Européenne, j’ai vu Mada-
gafcar, ainfi que l’Inde, les Philippines 8c nos îles de France
8c de Bourbon, fans aucun préjugé; je crois pouvoir nous
imputer les malheurs qui nous ont jufqu’ici accompagnés à
Madagafcar, ou du moins la plus grande partie d’iceux.
L’ufage aifez général dans ce pays, eft que lés femmes
viennent s’ofllir aux Européens quand ils arrivent, pour leur
aider à faire leurs affaires; 8c lorfqu’on a fait choix de quelqu’une
d’entr’elles, elle le croit femme légitime ; alors elle
vous fait un préfent de lait, de bananes 8c de patates, efpèce
de pommes de terre très-bonnes : ce préfent eft dans leur
idée, une efpèce d’accord ou de contrat, qui fèmble lier les
deux parties au moins pour le temps du. voyage.
A r t i c l e v i n g t - q u a t r i è m e.
Suite des moeurs des Madecajfes; de la pêche de la Baleine,
de la Circoncijton.
L es Madecaflès n’ont aucun temple, aucun culte extérieur;
cependant, ils ont plufieurs traces de Mahométifme 8c de
Judaïfine, comme, le dit Flacourt, 8c comme je l’ai remarqué
auffi: ils ont la circoncifion 8c la pêche de la baleine; dans la
pêche de la baleine, j’ai vu des traces de l’idée qu’ont ces
peuples d’un premier Etre ; cette pêche eft en cela trop remarquable,
pour n’en pas donner un . détail circonftancié.
Flacourt, dans fon Hiftoire de Madagafcar, au fujet de la
Tome II. B b b b