faffiftai à une partie de ceux-ci : il y en eut *m fur les Exécuteurs
teftamentaires, & for les perfonnes auxquelles ¿on confie
des dépôts & qu’ils ne rendent jamais ; l’Archevêque les menaça
que cet argent ne leur profrteroit point, & que leurs enfan*
feroîent un jour dans la misère ; & il s’écria avec une force
étonnante : Manille, Manille, vous le favej / je ne prends
d'autre témoin de ce que j ’avance ici que vous, Manille i
Le P. Don Eftevan Roxas y Mel©, & le P. de la Syerra,
Commiiïàire de l'Inquifition, que je voyois fouvent chez
cet ami, me difoient quelquefois l’un & l’autre que, puifqne
j’étois à Manille, S falloit y relier pour y terminer mes
ohfervations, mais que je me gardaffe bien de m'y établir
ou d’y revenir pour le faire, loriqu'une ibis j’enferois fortiî
efla tierra ( ce font leurs propres termes ) , no es tierra para-
un hombre de bien ; ce pays ne convient point à un homme
de bien.
M. l’Qidor Villa-Corta, très-homme de bien, avec lequel
je devins par la fuite fort lié, me diiôit auifi quelquefois
que les Indes étaient pernicieufes -pour les moeurs ; il me con-
feilioit fi jamais je me mariois & que j’euflê des enfans,,
de ne point permettre qu’ils allaient aux Indes : deux chofes
feulement, m’ajoutoit-il, font & entretiennent les fociétés ; la
Religion, c'efl-à-dire, la crainte de Dieu ; & l'honneur, c'ejh-
à-dire, l ’idée qu’on a attachée à ce mot : que ces deux chofes
qu’il faut regarder comme les colonnes des fociétés venant à
manquer, on ne peut rien efpérer de bon des hommes; qu’à
Manille ces deux colonnes étoient caduques & bien chancelantes.
Je ne peux m’empêeher de faire ici une réflexion :
C ’eft bien dommage qu’un aulfi beau pays, qui panait
être
être un paradis terreftre, où la Nature femble vous prodiguer
fes iargeffes! c’eft bien dommage, dis-je, que les moeurs des
hommes en iaffent un pays inhabitable pour des gens de bien !
Il feroit difficile de me citer une ville où les moeurs foient
plus corrompues qu’à Manille; la Religion n’y peut mettre
aucuii frein. Il y a bien à la vérité une Inquifition ; mais
la corruption des moeurs n’eft point expoiee à la cenfure
de ce Tribunal : une des preuves de cette corruption, la
foule qu’il me foit permis de rapporter i c i , eft l’abus des
bains. Les hommes & les femmes s’y baignent en effet
enfemble, chofe monftrueufe, que toute l’éloquence des Prédicateurs
n’a point encore pu réformer, & jamais cet abus
ne fe réformera , tant qu’il ne s’établira pas de police à
Manille : à la vérité les femmes, dans le bain, confervent
leur chemife; les hommes la leur, & en outre un caleçon ;
mais cela n’empêche pas l’indécence, de l’aveu même de
quelques femmes, ayant bien fu remarquer qu’en fortant
'du bain les hommes ont les caleçons fi exaélement collés
iùr le corps, qu’on en voit fouvent la forme & la couleur
de la peau ; ce qu’on concevra d’autant plus facilement que
la toile dont on fe fort à Manille pour faire des chemilès &
des caleçons, eft très-fine & très-claire ; il eft vrai que pour
fe baigner ainfi avec les femmes, il faut être ou parent ou
ami de la maifon; & quoique cette coutume de fe baigner
foit générale, j’ai connu des femmes que cet ufage révoltait,
& qui n’admettoient perfonne dans le bain lorfqu’elies y
étoient.
On jouit de beaucoup de liberté dans les maifons de
campagne ; l’ufage à Manille, comme dans tous les pays
chauds, eft de faire la méridienne ou la fiefte; on étend
Tome II, J P