Ces réflexions font très-judicieufes ; j'aurai occafion de
revenir for cette matière dans i article for le commerce de
Manille.
A r t i c l e s i x i è m e .
Des Fruits des Philippines, ir de ceux dont fe nourrijfent
les Naturels.
Le riz cuit à l’eau eft la principale nourriture des Naturels
des Philippines; ils le pilent & le lavent avec beaucoup de
foin, puis ils le mettent dans une marmite qui ne fort qu’à
cet ufage ; iis jettent de 1 eau deflus, en forte quelle le
couvre fans le furmonter que de très -, peu ; enfoite ils
couvrent bien la marmite avec des feuilles vertes, afin que
le riz ne s attache point au couvercle & ne fe brûle point ;
ils 1 ecument comme on fait le bouilli, le iaiffent cuire;
ëf. quand il eft a fon point, ils i’ôtent du feu, le mettent
dans des plats & des affiettes, & alors on lai donne le
nom de morijqueta : quand le riz eft cuit à propos, on en
compteroit les grains les uns après les autres, étant tous
détachés & focs fans être collés enfemble; cette façon de
cuire le riz eft la même dans l’Inde & à Madagafcar, &
meme parmi les Nègres des îles de France & de Bourbon.
Chardin prétend que cette différence de cuillbn du riz, dans
ces pays & en France, vient de la qualité des eaux; e’eft
te que je n ai point effàyé de vérifier : quand l’Indien n’a pas
de riz , il fopplée à la morifquetà, avec différentes racines
qui viennent fans culture : ils ont encore fe makis.
La récolte du riz ne fe fait pas .par-tout en même temps;
i l refte plus long-temps en terre, felon {a qualité des terreins;
il y en a qui ne le gardent que quarante jours, d’autres.,
deux
deux & trois mois; enfin, il y en a dans lefquels il refte
quatre & cinq mois ; la différence de température influe ici
& doit entrer pour beaucoup dans ce calcul; car les lieux
élevés étant moins chauds que les bas, la récolte doit aufîi
s’y faire plus tard : aux Philippines, comme à la côte de
Coromandel, le riz du même champ, femé ou planté le
même jour, mûrit totit-à-Ia-fois, ce que j’ai déjà fait obferver
dans le premier Volume, au lieu qu’à l’île de France les
épis n'y mûriflent que long-temps les uns après les autres.
On m’a affiné qu’autrefois les terres rendoient cent &
cent cinquante pour un aux Philippines, mais qu’aujourd’hui
ces mêmes terres font fatiguées : cela me paroît d’autant plus
fingulier que ces terres doivent être continuellement nourries
& engraiflees par les limons que la grande abondance des
eaux charient & Iaiffent à leur place lorfqu’eiles font évaporées
, comme il arrive en Égypte après les crues du N i l ,
& comme il arrive dans l’Inde après la fàifon des pluies.
’Ainfi, j’ai de la peine à croire que les terreins des Philippines
foient fatigués | mais comme il m’a paru, par ce que
j ai remarque dans lln d e , que le riz veut avoir continuellement
le pied dans l’eau jufqu’à ce qu’il ait fait fa crûe, § fe
peut qu en ce point les Naturels des Philippines ne foient
pas fi induftrieux à lut en fournir que le font les Indiens,
& qu ils le Iaiffent manquer de cet aliment lorfqu’il en a le
plus befoin ; quoi qu’il en foit, ces mêmes terreins, foit qu’ils
foient fatigués , foit qu’ils foient mal cultivés ('& je fois
très-porté à embraflèr cette feeonde opinion), rapportent
encore aujourd’hui cinquante à foixante pour un.
La Pampangue eft une des plus abondantes provinces de
Luçon; on y fait deux récoltes par an , ce qui fait au moins
Terne II. F