champ, ils répondirent que non; qu’ils le difoient feulement
parce que la brèche étoit commencée, 8c que le jour fuivant
elle feroit ouverte (praticable), & qu’il feroit difficile de
faire des coupures & les réparations néceffaires pour empêcher
de prendre la ville d’affaut.
Ayant tout entendu, notre Capitaine générai donna ies
ordres , & fit toutes ies difpofitions néceffaires pour qu’on
mît la main à l’oeuvre, & qu’on fît les coupures propofées:
il veilla à toutes les opérations 8c à tous les mouvemens- de
l ’ennemi. » ,
L ’archevêque Roxo étoit un homme capable de bien
adminifirer les finances : il étoit habile dans ies affaires, &
très-zélé pour le fer vice du Roi ; mais il n’entendoit point
la partie militaire; auffi, les factions'qui fe formèrent, &
auxquelles il n’eut pas la force de réfifler, furent caufe qu’il
ne capitula pas à temps, & firent le malheur de Manille.
Il feroit difficile de fe former une idée de l’embarras où
fe trouva ce Prélat, 8c.de la conflernation de toute la ville.
On m’a affitré qu’on entendit plufieurs fois prononcer le
nom de M. Arandia, cet homme que les-Moines avoient,
deux ans auparavant, : qualifié d’hérétique, 8c qui étoient ft
animés contre lu i , qu’il 11e s’en trouva aucun qui voulût fe
charger defon oFaifon funèbre. Si M . Arandia vivait', dit-on.,
plufieurs fois pendant le fiége : on s’aperçut alors qu’il man-
quoit un homme de tête. L’Archevêque voulut plufieurs fois
capituler, mais on l’en empêcha; 8c Don Andrés Roxo m’a
très-fort affuré., que s’il eût été feul, 8c qu’il n’eût pas été
affiégé d’un côté par les Oidors, 8c de l’autre par les Moines,
il n’auroit pas attendu que les Anglois euffent monté à l’affaut.
.C’étoit en effet un fait notoire de mon temps à Manille j
que le Fifcal 8c fur-tout un Oidor, mort depuis mon départ,
avoient été caufe que Roxo n’avoit pas capitulé à temps :
on tint à la vérité bien des Confeils ; mais on n’y détermina
rien. Ces Confeils, d’ailleurs, étoient très-mal compofés;
car , fi on en excépte les Militaires, à quoi bon y appeler
des Oidors, incapables dans cette partie, 8c des Moines
fanatiques : ceux-ci fe fervirent de la madré Paula, laquelle
ils prétendirent avoir eu des vifions d e Saint - François ; iis
en portèrent la nouvelle à l’Archevêque, 8c firent ce qu’ils
purent pour l’entretenir dans l’idéë flatteufe que Saint-François
opéreroit un miracle en faveur des Maniliois, 8c qu’on le
verrait fur la brèche, fon cordon à la main’, défendre 8c fou-
tenir l’affaut, comme il avoit repouiïè autrefois les Chinois
qui, au nombre de plus de vingt mille (difoit-on à Manille
s’étoient foulevés contre cette ville. (V oyei p. ip S ) .
Pendant que les Anglois preffoient Manille, les Oidors
affiégeoient l’Archevêque , 8c empêchoient que perfonne en
approchât & lui parlât. M. Fayette, .plus expérimenté que le
refie des Officiers, voyant fe danger évident qui menaçoit
la ville, s’efforça, malgré fa peine qu’il y avoit à pénétrer
jufqu’à l’Archevêque, de franchir la barrière. L’Oidor * * *
faifoit une garde affidue dans l’anti - chambre ; il ne fut pas
poffible à M. Fayette d’aller plus loin : il dit à i’Oidor ce qui
l’amenoit ; celui ci le renvoya très-rudement, en fui faifanf
entendre qu’il étoit un ignorant dans le métier ; que le Gouverneur
étoit mieux informé que lui ; que ies Minilires
du Ro i, qui étoient là pour affilier de leurs confeils M. le
Gouverneur, favoient ce qu’ils avoient à faire : Nous prenez-
vous /d it - il tout en feu , nous prenez - vous pour des traîtres,
a la patrie! ne gavons-nous pas notre obligation l