Cette nouvelle détermination de Pulo- Condor ,: fait dif-
paroître une grande partie des différences dont j’ai parié
ci-deffus, qu’on rencontre ën allant de Pulo-Timon àPulo-
Condor, & qu’on attribuoit aux courans.
D e s c r i p t i o n d e m o n O b s e r v a t o i r e . .
L ’ im p a t i e n c e où j’étois en arrivant à Manille, de
travailler à déterminer la longitude de cette ville avant le
départ de M. de Caièins pour retourner en Efpagne, fit que
je ne négligeai aucun des moyens les plus prompts pour
parvenir à mon but: mon premier foin fut donc de chercher
un lieu propre pour y obferver ; je puis dire que je trouvai
d’abord les plus grandes facilités à me loger, moi & mes,
inftrumens , & fi dans la fuite j’éprouvai quelques tracaE
fëries, ce ne fut qu’après le départ de M. de Cafeins; car on
favoit bien que cet Officier qui avoit mille amitiés & mille
attentions pour moi, ne manqueroit pas d’informer fa Cour
des fucces bons ou mauvais de mes opérations aflronomiques;
mais d après l’idée qu’on a dû fe'former ci-devant de ce.
pays pei d u , 011 11 aura pas de peine à fè figurer qu’après le
départ de M. de Caièins & de mes paquets, 011 n’aitcherché
a me fufciter des tracaflèries : malheur-aux Voyageurs- philo-
fôphes qui vifitent des pays que l’ignorance couvre de Ion
vo ile, & où le fanatifme domine ; où les Chefs ne font pas
plus éclairés que le reite du peuple, & font enchaînés par la
•meme fuperflition ; ou enfin ceux qui gouvernent joignent
à cette ignorance qui les confond avec le refie du peuple, la
foif odieufe des tréfôrs ! •
Mais pour ne pas trop m’écarter de mon fujet, un Oidor
de 1 Audience royale ( Don Manuel Galban ) me procura
d’abord toutes les facilités que je pus defirer pour mes
obfervations aflronomiques;! ces facilités furent telles, que
dans la lettre que j’écrivis à M. de la Lande , en lui envoyant
mes obfervations, j'ofiai mettre en doute f i j'en trouverois de
pareilles dans une .colonie Françoifie, qui fieroit, comme l ’efl
Manille, à l ’extrémité du Monde ( Mémoires de l’Académie
des Sciences, année 17 70 , p. 24.2 ).
M. Galban me donna un donjon fort agréable pour faire
mes obfervations , & une belle grande chambre pour y
cpucher & paffer la nuit, lorfque les obfërvations aflrono-
miques m’appeileroient à mon Obfervatoire , avec ordre à fes
domefliques de ne me laifîèr manquer de rien.
Mon Obfervatoire étoit donc un donjon ( dans le pays
on l’appelle Mirador) à trois étages, fort foiidement conf-
truit; les murs par en bas avoient quatre pieds d’épaiffeur,
& près de trois par en haut; ces murs forment, en s’élevant
à la hauteur de 4 1 pieds & demi, une tour carrée de 5 pieds
& demi en-dedans: la maçonnerie étoit de brique & en
fort bon état. Sur cette tour carrée étoit pofe un cabinet en
charpente fort foiidement conflruit, de i 6 pieds & demi en
carré , & de 8 pieds & demi de hauteur ; une partie de
ce cabinet efl fàillante en-dehors d’environ trois pieds, ce
qui me procuroit un très-grand avantage, celui de pouvoir
pofer mon quart-de-cercie fur le mur.
Le 28 Septembre, une de mes pendules & mon quart-
de-cercie furent en état & ën place; mais les mauvais
temps ne me permirent pas de prendre des hauteurs corref-
pondantes avant le 12 Oétobre: les mauvais temps reprirent
enfuite, & ils durèrent jufqu’au 22 du même mois, qu’il
devoit arriver une immerfion du premier iatellite de Jupiter.