4 ^ V o r a c e
cent pour un que cette, terre donne de bénéfice par an ; de
iorte que les babitans de cette province ont. à peine fait fa
première récolte, qu’ils replantent fur le champ ; je dis
replantent, parce qu’en effet on plante le riz : ils, font d’abord
un femis, Sis Iaiffent croître la plante à un quart de fa hauteur,
puis ils le tranfplantent. Les Indiens ont- encore le fagou, de
différent fruits avec lefquels ils appaifent la faim.. Pour boiffon,
ris nient d'une liqueur fermentre, qu ils tirent-d une efpèce de
palmier qu’ils nomment nipa, & dont les bords des rivières
font garnis;, de cette liqueur, ils tirent, de 1 eau-de-vie, &
jufqu’à du vinaigre ; iis ont encore le vin de cocos, qui eft.
fort eftimé parmi eu x , il eft plus fort que la liqueur précédente.
J ai deja dit qu il y a beaucoup de cochon - marron aux
Philippines ; les cochons-domeftiques font auffi très-communs.
Les montagnes abondent en cerf 8c en buffles : on connoît
les buffles; ces animaux font communs dans l’Inde & dans
toutes les des de la Sonde. If y .a aux Philippines de- ces
buffles fi lauvages & fi farouches, qu'ils font plus à craindre
que les taureaux lauvages; les Indiens lavent les apprivoifer,
& ils s’en fervent pour la culture de la terre; le buffle a
plus de force, du moins dans ces pays, que le boeuf le plus
corpulent; il fait un allez mauvais manger. Le lait de la'
femelle eft gras & épais, 8c d’affez mauvais goût.
Les Indiens ufent très-peu. de toutes les chairs dont nous
venons de parler ; ils ne font leurs repas qu’avec du poiffon ;
il ce n eft dans des fêtes particulières. Leur nourriture ordinaire
fe fait avec de petits poiiîbns plats, foit frais, foit en
faumure, .foit enmarinés; ils les font cuire dans l’eau, & du
bouillon aigre & nitreux qui en provient, ils enveloppent la
jd a n s ¿ e s M e r s d e l I n d e . 43
morifquetà, dont ils ne font pas avares; mais du poilfon, ils en
-mangent très-peu. Pour-que ce repas foit plus felon leur goût,
il faut que fe poiffon ou la viande aient un peu d’odeur :
avec ce ragoût 3c fi-peu de nourriture, les Indiens fe portent
très-bien; ils font gros-& gras, & vivent long-temps.
Ces Naturels -mangent encore d’une autre efpèce de poiffon
que l ’on nomme balatam (b) , .c’eft la fangfrie de mer; le
bàlatam -eft d’une bonne défaite en C h in e , mais il fait .une
nourriture très-forte & très-chaude, & par cette raifon fort
recherchée des-Chinois ; il en faut manger très-peu, 8c le mieux
-eft de n’enpoint manger du tout, car il excite trop auxplaifirs
de l’amour ; & dans ce climat comme dans celui de l’Inde ,
fa chaleur feule y -porte affez-. ies Chinois font dans un climat
plus froid, 8c en peuvent manger -fans qu’il produife en
eux dé fort grandes révolutions ; au refte, je ne crois pas
qu’il y ait, fur le refte de la tente, un -peuple pareil aux
Chinois, pour chercher & imaginer les moyens qui peuvent
le plus • exciter 8c entretenir les feux de l’amour. Le buyo
(b e te l) , eft très-commun aux Philippines; avant que d’en-
veloper -la bon g a ( c’eft la noix d’arèque ) ris enduifont la
feuille du betel ou buyo. avec de la chaux-fine; -ils prétendent
que de mâcher du buyo, cela -fait du bien à l ’eftomac, ■&
aide à la digeftion; les Elpagnols ont trouvé-cet ulàge établi
-aux Philippines, 8c -ils s’y font conformés : je ne peux afîiirer
que le betel ou buyo ait toutes les qualités qu’on lui attribue,
parce qu’il n’a pas été polfibie fie vaincre ma répugnance
au point d’en faire l’effai ; ce que j’ai v u , eft que ceux qui
en ufent'trop ont les .dents très-rouges ainfi que la langue,
(b) C’eft le Pudendum-marinum de Rhomphius.
Fij