ainfi, on pourroit regarder l’événement tragique qui fe paflV
pour lors à Sainte-Marie, comme une fuite de la mort de
Tamfimiïo; mais ia principale caufe fut la conduite du Commandant
& le peu de précaution qu il prit a le garder.
C e Commandant commit donc deux fautes elfentielles ;
la première eut fa fource dans fa mauvaife humeur, fa dureté
envers les Noirs , les moleftant & les maltraitant fort fouvent:
il setoit porté avec la dernière violence envers un Chef de
Fouipointe. Pour un refus que celui-ci fit de prendre des
fufils de Traite qu’on lui préfentoit en échange pour les
denrées qu’il avoit livrées, & voulant choifir à fon aife fur
un très - grand nombre ( car il faut avoir la patience de les
laiifer choifir, bien examiner, vifiter, pendant quelquefois
beaucoup de temps, pour un ièul fufil ); il pouifa l’impatience
jufqu’à donner des coups de canne à-ce Chef: cet acle de vio-
lence occafionna une rumeur çonfidérable parmi tous les Noirs
préfens, qui inquiéta, pour le moment, le petit nombre de
François qui étoient à Fouipointe; mais la troupe de Noirs
fe contenta de murmurer; elle s’évada, & fans doute, dès
ce moment, cette troupe médita une vengeance. Un autre
Ch e f préfent, voulut dire un. mot, le Commandant couronna
fon aétion en le pouifant d’une façon inhumaine avec fa canne,
dont il lui donna du bout dans- l’eliomac : ce malheureux
cracha le fang dans l’inilant ; il fut emporté par les liens, &
mourut de la fuite de ces coups. Il ne fut plus queftion de
rien ; du moins en apparence ; mais le C hef de Sainte-Marie,
Ion oncle, jura de venger fa mort après plulieurs cérémonies
préliminaires, fort ridicules & fort fmgulières, telles que ces
gens en font en pareilles circonllances : ce fut lui, dit-on,
qui porta le premier coup de hache au Commandant de
Sainte - Marie ; mais s’il avoit été fur les gardes; il eût paré
ce coup : cette négligence de fa part à le garder, elt la lèconde
faute qu’il fit.
Le détachement qui avoit pris poiTelîion de Sainte-Marie,
ou plutôt de l’Ille-aux-Cayes, n’étoit que de trente hommes;
ce nombre, quoique petit, étoit bien fuffilànt pour fe.garantir
de. toute infulte : on avoit porté à Fouipointe le relie des
Troupes, qui étoient en plus grand nombre. Le Fort qu’on
avoit fait fur l’Ille-aux-Cayes, étoit garni de canons& entouré
d’une double palilfade de pieux très-forte & très-épailfe; il
eût fallu du canon pour la forcer, & tout autre que le Commandant
de cette citadelle, eût évité le.coup qui lui fut porté :
il le logea en-dehors avec là petite: garnilbn, en forte que le
Fort qu’on avoit fait lui étoit devenu inutile. Combien de:
fois ne lui dit- on pas qu’il s’expofoit, & qu’il expofoit en
même temps fon monde! & comme lès. amis làvoient qu’il
étoit dur envers les gens du pays,,combien de fois, avant que
de quitter Sainte-Marie pour aller à Fouipointe, ces mêmes
amis ne le conjurèrent-ils pas de s’établir dans fon Fort! Ils
lui difoient que n’ayant avec lui qu’un très-petit détachement,
il de voit fe tenir davantage for les gardes, étant plus expofé
à être furpris ; que fon Fort étoit fait pour foppléer au défaut
d’hommes qu’on ne pouvoit lui laiifer pour le garder.
Malgré cet avis falutaire, cet homme ne prit aucune précaution
, & il continua de le comporter vis-à-vis des habitans
de l’Hle, comme il avoit déjà fait vis-à -vis ceux de Fouipointe;
il fe fioit for la foiblellè des peuples, de Sainte-Marie,
qu’il lavoit être naturellement b o n s & qu’il croyoit incapables
d’entreprendre aucune aétion hardie : il fe fioit fur
Tamfimilo, qui étoit craint & redouté ; . mais dans ces