après un compliment fort court, prélenta le tableau au
Gouverneur, & iui en fit préfent au nom de ceux qui étoient
dans ie char, enfuite fortirent de ce char plufieurs danfeurs,
qui exécutèrent des danfes & fauts finguiiers à la façon du
pays, au fon de plufieurs inilrumens.
L’autre char portoit, au milieu, une eipèce d’oilèau lêm-
blable au phénix, debout ■& les ailes étendues. Le char
arrivé devant ie Gouverneur,1 le ventre du phénix s’ouvrit,
il en ibrtit un harangueur qui parla pendant quelque temps;
puis les danfeurs defcendirent du char & fignalèrent leur
zèle auffi - bien que ceux du premier char, par des danlès
auifi finguiières que-bizarres ; il vint enfuite une baleine à
laquelle on avoit eu loin de faire le gofier allez large, pour
qu’i f pût fortir de ion corps une douzaine environ de jeunes
danfeurs fort bien'habillés, portant Chacun une petite lanterne
de papier en forme de tambour debafque; ils exécutèrent
une petite danfe que je trouvai fort'feuvage, mais qui fut
'trouvée de très-bôn goût, 8t qui fut généralement applaudie*:
enfin,-tous ces petits divertiiïêîrtens furent très-bien reçus,
& avec d’autant plus d’applaudiffement qu’on avoit encore
une eipèce d’horreur pour celui de la veille donné par les
Chinois.
• Nous eûmes‘le quatrième jour, pour clôture, un combat
de taureaux. Ces combats fetfont,'comme l’omffâit; contre
des hommes à pied & à cheval. Je ne pus , iàns marquer de
l’horreur, & même une forte de pitié, voir la fin tragique
d’un boeuf que des éipèces de bouchers pouriùivûièht,- qu’ils
bléffoieñt à différentes repriiès,1 & qui fembloient prendre
plaifir à ce brutâl exêfcite; On avoit1 fait une arène exprès;
tout le toür étoit garni de loges très-propres, remplies de
inonde de la première diftinétion. Les EccléfiailiqueS, les Religieux,
& même les femmes, affilient comme les autres à ce
ipeétacle barbare ; je me fouviens encore que des femmes de la ’
première diilinélion de Manille qui m’avoient admis dans leur
loge, fe moquèrent de moi, de ce qu’elles me virent me retirer
dans le fond de la loge & que je détournois la tête.
Quelle bizarrerie fingulière ne remarque-t-on pas dans les
moeurs des peuples! Parmi cette même Nation, il n’y avoit
pas long-temps que j’avois vu condamner à mort des criminels.
On leur lit leur Sentence à neuf ou dix heures du matins
je les vis après cela garder deux jours dans une Chapelle,
pendant lequel temps on ne celle de les prêcher & de les
exhorter à la mort; enfin, le troifiême jour on les fait
communier vers les neuf à dix- heures du matin, puis on
les mène au fupplice : on ne peut jamais trop prendre de
précaution, me difoient les Elpagnois, pour le falut des
hommes. Cependant cette même nation qui me tenoit cè
dilcours, permet, pour fon plaifir, que des gens, dans quel-
qu’état que foit leur confidence, s’expoiênt au danger detre
tués par un taureau ; car on en a vu plufieurs à qui ce malheur
eit arrivé.
Le fécond jour de Gala, à Manille, eil la fête de Saint
André, que l’on célèbre en mémoire dé ce qu’en pareil jour
Manille fut délivrée du danger .dont l’avoit menacée un
fameux Corfaire Chinois, qui étoit venu à deflëin de l’attaquer.
C ’eft l’Hotel-de-viile qui fait tous les frais de la fête,
fe Gouvernement n’y entre pour rien. La Ville donne quatre
«ents piaflres (2 10 0 iiv. ) au Régidor qui eil en charge cette
année, & qui fait les fonétions d’Enfeigne, pour tous les
l&ais de la cérémonie. Voici en quoi elle confiite ;