cela que l’Indien fait confifter l’amufement. J’en ai vu qui
s’en retournoient ie foir avec trois à quatre autres qu’ils
avoient enlevés à cette guerre, & qui tous étoient entortillés
autour de leur ficelle vers le haut.
Les petits n’ofent fe montrer en préfence des grands, ils
ont foin de s’en tenir, le plus qu’ils peuvent, à une diftance
raifonnable.. On voit quelquefois dans les campagnes, aux
environs de Manille, pendant la belle faiion, une ou deux
douzaines de cerfs-voians dont les uns s’exercent, & d’autres
ne cherchent qu’à pirater.
A l’île de Luçon, à Manille là capitale, les femmes font
de la plus grande fécondité.; l’on ne voit autre chofe, dans
les villages, en fe promenant, & fur les bords des rivières,
que petits enfans, femmes enceintes & enfans au teton;
fouvent la même femme en a un au teton, pendant qu’elle
en mène un pjus petit par la main, & qu’elle eft enceinte
ou prête d’accoucher d’un troifième ; on rencontre en même
temps des fourmillières d’autres enfans d’un âge un peu plus
avancé qui jouent enfemble. Tous ces enfans, fur-tout ceux
des Métis, vont tout nus dans ce climat; ils ont pour tout
vêtement une chemifette, qui ne leur defcend qu’au nombril:
on ne peut par confequent fe méprendre fur le fexe. Les
bords de la mer fer - tout, & des rivières, font très-peuplés
dans ces Ifles, fans doute à caufe de la quantité de poiilon
dont la mer & les rivières abondent; en forte que l’on penfe
à Manille qu’il y a aujourd’hui plus de monde dans la partie
habitée par les Elpagnols, qu’il n’y en avoit iorfqu’ils font
venus.
C ’eft tout le contraire aux îles Marignnes. Ces Ifles >
autrefois fi peuplées, ne le font plus tant aujourd’hui; la
race d’homme va peu-à-peu en s’éteignant : les Indiens,
à ce que je fais de très-bonne part, 11e voulant point reproduire
leur efpèce. La raifon que je crois pouvoir donner
de cette différence, vient du defpotifme affreux que les
Religieux & le Gouvernement y exercent; comme il’n’y a
point de Tribunal de Juftice, les Loix du Royaume n’y ont
aucune vigueur : le Gouvernement y eft purement arbitraire :
c e ferait à peu-près de même à Manille , s’il n’y avoit pas
d’Audience royale ; on la fiipprima dans les commencemens
& on fut obligé de la rétablir.
Voici un tableau abrégé de l’état des malheureux qui font
à l’île de Guam :
Cette Ille, la principale des Ifles Mariannes , n’a de commerce
ni aucune relation avec qui que ce foit, que lorfque
les vents permettent au Galion d’y pafler en relâche deux
à trois jours pour y laifler quelques effets. Le roi dEfpagne
entretient, dans cet endroit, environ cent cinquante hommes
de troupes ; & le Galion y laiffe tous les ans dix-fept à dix-huit
mille piaftres pour l’entretien de ces troupes, le maintien
des Religieux & les appointemens du Gouverneur. O r , ces
dix-fept à dix-huit mille piaftres, l’entretien des Religieux
prélevé, paifent toutes dans la bourfe du Gouverneur. Dans
cet infortuné pays., on ne trouve rien pour fe vêtir; le
Gouverneur eft le feul qui ait une boutique garnie de toutes
les chofes néceffaifes à faire des vêtemè'ns de toute efpèce;
il a fouiiers, bas, chapeaux, & c. c’eft-là où tous ces mife-
rables exilés- font obligés d’aller pour fe pourvoir ; le Gouverneur
leur yend de la boutique ce qu’il leur faut, & aux
prix que fa confidence lui diète ; & on m’a aflùré qu’elle ne
l’empêche pas de prendre quatre, cinq & même fix cents pour
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