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fur laquelle il fe forme une croûte qu’on n’enlève que très-
difficilement ; ils ont les lèvres & la bouche livides &
dégoûtantes, par la continuelle falivation dans laquelle ils
font, laquelle fort comme enfanglantée & tache tout. L’ufage
du betel eft fi grand que chacun le porte fur foi. préparé,;
les riches ou principaux, dans une boîte d’argenf ou d’or :
c’eftaux Philippines une très-grande politeffe, un très-grand
favoir vivre, que d’offiir un buyo, Si. on y a fouvent donné
le poifon le plus mortel avec cette belle honnêteté.
L e coton eft abondant aux Philippines, & c’eftavecle coton
que les Indiens font leurs vêtemens; ils tirent des arbres &
des plantes les couleurs dont ils fe fervent pour teindre.
On trouve encore aux Philippines une efpèce de plante
femblable au figuier bananier , dont le tronc bien battu &
pilé fournit un fil très-fin & très-délié , femblable à peu-près
au fil de pite; les Indiens en font de la toile; les Noirs
fauvages des montagnes fe fervent d’écorces d’arbres bieii
pilées & battues, avec lefquelles ils couvrent une partie de
leur nudité: outre tout cela, il vient tous les ans à Manille
des étoffes de toutes façons de Chine & des Indes.
Les mallons des Indiens font faites de bambou & couvertes
avec les herbes qui croiffent dans les champs : ces
maifons font très-propres ; elles font pour la plus grande
partie foutenues ou portées fur des piliers de bois, enfoncés
en terre de plufieurs pieds, on y monte au moyen de huit
à dix degrés p'us ou moins; & cela eft fait pour éviter
1 humidité de k terre:: leiïr lit eft une nate étendue fur le
plancher qui eft tout de bambous, ou fur une efpèce de
cadre de bois.
d a n s l è s ' M e r s d e l ’ I n d e . 4 5
A r t i c l e s e p t i è m e !
Des principaux Fruits, Otfeaux, Poijfons ¿r Animaux
des Philippines.
L es fruits de ces îles font le Bylimbi,. le Jaca,, le Manguier,
qu’on y a apporté de la côte de l’Inde, mais dont le fruit
eft bien fupérieur à Manille à celui qu’on mange dans l’Inde;
le Tamarin, le Bananier, l’Attier, i'Anonier, l’Ananas, le
Caffier, le Gingembre, le Poivre noir & autres ; tous ces
fruits fe trouvent dans Henri de Reede.
II y a aux Philippines plufieurs elpèces d’Oifeaux de proie,,
les Garces, efpèce de grues, y font très-communes, des Paons,
mais ils n’y font pas bien communs ; de ces oifeaux, dont
on mange les nids , & d’autres elpèces qui ont des noms
du pays ; mais il n’y a point d’oifeau curieux qu’une efpèce
de Coq de bois ou de Faifan, qui encore n’a de remarquable'
que fon bec.
Le Lamantin fe trouve aux Philippines, & fait un excellent
manger. C ’eft le poilfon-femme de quelques hiftoriens & du
P. Kircher, qui a été trompé dans le rapport & la deicription
qu’on lui a faite de ce poiffon. En effet, ce Père donne une
deicription du poiffon-femme, laquelle n’eft nullement conforme
à la vérité; cependant, il nous aiîùre tenir de bonne
part cette deicription ainfî que les deux figures qu’il en ai
fait graver.
Ces figures reffemblent en effet à l’homme (c ) & à la
(e) Capitur certis anni temporibus
in mari orientali Indiai ad infulas
vijfayas, quas infulas Piéloriimvocant,
fub Hifpanorum dominio, pifcis quidam,
Humana prorsiis figura, quam ideo1
peche nueger- vocant, ab indigenis•
JDüyon. Caput habet rotundum, nulla;
colli intercapedine trunco comp ad um ,