arriver ;. qu’il le mît dans le v en t, de façon qu’il prélèntolf
la proue à la lame , comme un Vaifleau qui efl: à l’ancre ;
on fut contraint de couper non-fèiilement le mât d’artimon ,
mais même le grand mât.
T e l étoit l’état de la Marine à Manille, en 17 6 8 , lorfque
j’en fuis forti. Pour achever de donner une idée de cette
Marine & de la conftruélion des galions, je ferai remarquer,
que le galion la Trinité, qui étoit un vaifleau de quinze
cents tonneaux au plus, tiroit, félon les Elpagnols, trente-
uil à trente - deux pieds d’eau ; avec cela j il étoit fi mal
conftruit & ft enhuché , qu’il ne put réfifter aux tempêtes,
qu’il éprouva en 1762 dans la mer du Sud. J’ai une relation
imprimée de tous les déiàftres de ce Vaifleau ; çette relation
eft intéreflante, en ce qu’elle fait voir que la mer du Sud,
qu'on à nommée mer Pacifique ; ne i’eft que de nom , du
moins pour l'elpace compris entre les Philippines & la chaîne
des Marîannes; 8c qu’on y éprouve très-fouvent des coups
de vent dans les mois de Septembre & d’Oélobre , mois
pendant lelquels les galions le trouvent dans ces parages.
' La Sainte -Trinité en efliiya trois ; elle perdit dans le fécond
fes mâts de hune : elle s’étoit réparée avec fes mâts de
rechange, Jorfqu’il furvint huit jours après, le 2 d’Oélobre,
un troifième coup de vent dès plus furieux, du Nord-eft,
qui étoit la route que ce galion tenoit : ce vent furieux
dura huit jours, & après avoir éprouvé quantité de dommages
daiis lès hauts, le Vaifleau acheva de démâter, par
la latitude de dix-huit degrés un quart, & de dix-neuf
degrés à l’E ft du cap Èfpiritu-Santo; ce fut donc aux environs
des îles Mariannes. Le Vaifleau le trouva ras comme
jj® penton ; n’ayant pu cpnfer ver que fon beaupré ; il fut
obligé
obligé de revenir à Manille, mais il rencontra dans l’Archipel
u n vaifleau Anglois de foixante-quatre canons, & une Frégate,
qui le prirent. Ayant vu le tirant d’eau de ce fmgulier Vaifleau,
les Anglois n’osèrent jamais le faire paflèr par le détroit de
la Sonde ; ils prirent par celui de Malacca, où il y a beaucoup
plus d’eau.
On vo it, par ce récit, que les galions manquent aflez
fouvent leur voyage , puifque fans parler de ceux dont je
n’ai point connoiflance, en voilà deux, en fix ans d’intervalle,
qui font forcés d’arriver : cçs évènemens doivent caulèr
des dommages confidérables au commerce de Manille.
Le Roi gagneroit beaucoup s’il pouvoit avoir à Manille
un Conftruéteur, ou un Officier zélé 8c. expérimenté dans
la conftruélion ; je dis s’il pouvoit avoir, car il n’eft pas
bien certain qu’un pareil fujet fût vu de fort bon oeil par
les différentes perfonnes qui peuvent être intéreffées dans
les affaires des galions : de plus, cet Officier auroit nécei-
fairement des démêlés continuels avec le Gouverneur, qui
eft trop abfolu , 8c q u i, outre qu’il efl Capitaine général
des Illes, eft encore Intendant des Finances & de la Marine.
Je lais bien que la Cour a envoyé à Manille depuis que
j’en fuis forti, en l’année 1768 , un Officier diilingué par
fon lavoir , pour préfider à la conftruélion des nouveaux
galions; car on n’avoit en 1 7 6 7 , à Manille, que ie Saint-
Charles dont j’ai parlé il n’y a qu’un moment; mais j’ignore
en même temps quels font les travaux dont cet Officier a
pu venir à bout dans ce pays ; Ce que je puis affiïrer, eft
que ce jeune Officier que j’ai beaucoup connu à bord du
Bon-Confeil, fur lequel il étoit Enfeigne en 1 7 6 6 , donnok
dors de très-grandes efpérances, par fon application
Tome IL p f