Commandant à Saint-Paul, étoit chez moi pour me dire , que quoique
M. Bouvet fut parti pour retourner à Saint-Denys, je n’en ferois pas
moins traité à Saint-Paul comme s’il y étoit, & qu’enc.onféquence,
il me prioit d’accepter fa table pendant le refte de mon féjour à
Saint-Paul ; & je dois ajouter, que j’ai joui pendant ce court iéjour,
de tous les agrémens pofllbies dans la maifon de M. de Heaulme.
Nous apppareillames de Saint-Paul le 23 , & le 28 nous découvrîmes
Madagalcar ; nous en approchâmes à quatre lieues , Sc
comme, felon nos relèvemeris, la côte nous parut courir Sud-fud-
oueft & Nord-nord-eft, on gouverna pendant la nuit à cette aire de
vent, pour nous entretenir toujours à la même diftance de la terre ,
& attaquer directement la pointe d’Itapère; mais au jour, nous nous
trouvâmes à environ fix lieues de la terre : il y a donc toute apparence
que cette partie de la côte de Madagafcar, depuis Iiapère, en
remontant vingt-cinq lieues au Nord, prend plus de l’Oueft que
fe Ion les Cartes; car en s’en rapportant à notre Toute , il eût M u
fi*re le Sud-oueft-tjuart-fud, pour entretenir la côte toujours à la
même diftance ; à moins que les courans ne nous euflënt portés
direélèment dans le Sud ; ce qui ne feroit pas hors de vraifembiançe. '
Le 29 au fôir, à fept heures & demie environ, nous doublâmes
la pointe d’Itapère, & tirâmes deux coups (de canon fous le vent; on
nous entendit du Fort, & on alluma tin feu à terre ; mais comme
il étoit htiit , n’ous n’ofames pas aller plus loin : nous mouillâmes
fous la pointe d’Itapère , en-dedans de la baie ; on fila près de cent
brafîês dé cable , & l’ancre qui nous tenoit étoit de deux mille quatre
Cents, précaution bien importante, comme nous le dirons bientôt.
Al * de fa Fontaine , Capitaine des Vaiflêaux de la Compagnie,
étoit au Fort-dauphin, Chef deTraite; j’en fus, on ne peut pas mieux
reçu: nous levâmes l’ancre du Fart-dauphin le 12 Novembre, Sc
arrivâmes à I Iiïe-de— France le 1e: Décembre. Notre voyage quoique
court, ne fut pas fort heureux; nous trouvâmes la mer fort duré
& fatigante; nous étions dans lafaifon des ouragans, & notre vaifleau
faifoit beaucoup d’eau, Ce qui eft toujourstrès-inquiétant, fur-tout dans
|ipe roule oblique comme cejle de Madagalcar à fHle-de-France,
où les mers prefque toujours battues dans cette faifon , par différens
vents, font fort dures & fatiguent confidérabiementles Vaiflêaux.
A r t i c l e t r o i s i è m e .
Second voyage à Madagafcar, à Foulpointe, à Sainte-
Marie & à la baie d'Antongil.
Jepartis de i’Ifle-de-Ftance le 29 Septembre 1 y 62., fur le Lys,
& arrivai à Saint-Denys le lendemain; M . de Lofier-Bouvet m ’en-
Voya une pirogue, dans laquelle je défendis à Saint-Denys où ce
Gouverneur me reçut avec fes bontés ordinaires : le Lys continua fa
route ; & ¡I alla mouiller à Saint - Paul ; je reliai chez M. Bouvet,
jufqu’au 4 d’Oiilobre , que je profitai du Merry , qui appareilla
pour Saint- Paul, où j’arrivai à temps pour prendre ¡mon vaiflêau »
qui mit à la voile le 5 Oélobre. Le 8 dans l’après - midi nous
vîmes Madagafcar , mais nous n’avions pas fait aftèz d’attention aux
vents qui dans cette M o n , régnent pins du Nord-eft que de la
partie du Sud-eft, en forte que nous attérames à 18 degrés jo
minutes, e’eft-à-dire, au fitd de Foulpointe, pendan; qu’il eût fallu
attérer* au Nord. JN ous nous.tr ou vaines par conféquent fous le vent.,
& quoique nous ne fuffions qu’à 1 j lieues au plus de Foulpointe , il
ne nous ¡fut point pofltble de gagner au vent ; nous tombâmes au
contraire encore d’environ ¡cinq lieues dans les différens bords que
nous courûmes, de forte qu’il ¡me paroiffoit très-difficile de gagner
Foulpointe, fans/être obligés de rapporter notre bordée, jufqu’aux
environs de i’Me de Bourbon. Nous fûmes donc fort heureux de
nous foutenir encore à peu-près à la même hauteur , & que les
vents adonnèrent un peu, à nous permettre enfin de gagner, mais
* Attirer » «1 terme. de Marine , lignifie prendre terre ; aui'ir, eit an verbe neutre
qui eft impropre ici ; attirijêmettt vient d'ailerir, & exprime une alluviqn ou amas de
fables. Ou ne doit donc pas dire nous altirimes; mais, attirantes, attirer fe conjuguant
far aimer. Attirage vient d'attirer.
Je place ici cette nóte que je dois à M. Bory, Chef d'Efcadre des Armées navales;
Sc de.l’Académie Royale des Sciences,