à Palimbam étoit un Vaiffeau garde-côte ; que ce qui nous a paru
un motif de curiofité , pouvoit n’êqe qu’un motif de commerce j
& que le Bot ne venoit que dans l'intention de faire fes affaires avec
nous, croyant fans doute que nous allions en Chine.
Vous favez encore que c’eft affez l’ufàge des Anglois & des
Hollandois de mettre pavillon quand ils voient paffer un Vaiffeau ;
c’eft peut - être une curiofité , peut« être une politeffe , à laquelle
on répond ordinairement en mettant le pavillon de fa Nation ou un
pavillon quelconque : la manoeuvre de i’Anglois pouvoit être un
motif de curiofité ; il voyoit un Vaiffeau de guerre dans les. Détroits ;
il. étoit fans doute curieux de favoir de quelle Nation il étoit. Les
Anglois, comme vou§ lavez , croient allez volontiers qu’il ne peut
y- avoir dans ces mers d’autres Vaiffeaux de guerre que des vaifléaux
Anglois : notre filence le furprit; mais il fe donna bien de garde
d’approcher à portée de canon , qu’il dut voir tout prêt à faire
feu, dans la crainte qu’ii eut peut- être qu’on ne le forçât à venir
à bord ; car comme il ne voyoit point de pavillon à notre poupe,
il dut juger dès l’inftant que nous n’étions point Anglois, ou que
nous ne voulions point être connus.
Quant au coup de canon tiré, je ne l’entendis point.; ce forent
lés Matelots qui virent, ont-ils dit, la fumée , & qui ont entendu le
coup; malgré cela, je révoque le coup de canon en doute, puifque
le Vaiffeau ne fit aucune manoeuvre en conféquence, & qu’il paroît
qu’il cherchoit comme nous à lortir du Détroit, ainfi que trois à
quatre Sommes Chinoifes qui venoient de Batavia.
Nous fcrtimes du détroit de Banca le z i : nous dirigeâmes notre
route pour prendre connoiflànce de Pol-condor; nous rencontrâmes
quantité de Sommes Chinoifes, que nous dépaffames prefquetoutes:
nous eûmes les vents très-variables, du Sud-fod-eft à l’Oueft par
le Sud , & quelques calmes.
De la vue de Pol - condor, on fit route pour gagner Pol-fapate
que l’on vit le 3 o ; elle eft très-bien figurée dans M. d’Après.
Nous eûmes depuis la fortie du-détroit de Banca fort mauvais
temps, juftju’à ce que nous eûmes doublé ces Ifles ; ç’eft qu’on
f
ne palîè qu’a trente - fix lieues aù plus du continent ; & coifime
vous favez que c’étoit alors l’hiver dans les mers de Chine, la
mauvaife faifon fe fait plus fentir proche les terres & à la côte, qu’à
une grande diftance d’elles.
La nuit du 30 au 3 1 & la journée du 31,, forent très-belles-
c’eft que nous nous éloignions des terres ou du continent.
Nous eûmes encore le plus beau temps du monde le tAoût-
pendant les vingt-quatre heures; mais le 2 le temps changea, parce
que nous approchions des terrés de Manille.
C ’eft aux Philippines, c’eft à ces îles élevées qui ne font que
des montagnes , que s’arrêtent les vents de mouflon : c’eft ici à
peu-près comme à la côte de Malabar. La mouffon de i’Gueft
apporte avec elle & amoncèie une fi prodigieufe quantité de nuages
for les Philippines , que cinquante lieues avant d’y arriver , en commence
à reffentir les effets du mauvais temps : les otages & les
tempêtes vous accueillent ; on ne fait alors où l’on eft, parce qü’on
n’a aucun indice certain de terre : encore a-t-on la fonde à la côte
de Malabar ; on voit fur l’eau des couleuvres. A l’approche des Philippines
on n’a aucun de ces fignes, & par-deffus tout il y a quantité
de dangers* craindre : le Vent bat en côte, & le temps eft fi couvert
que fouvent il ne permet pas de prendre de hauteur ; alors on eft
très-embarraffé î il ne faut pas craindre la voile, ¡car on eft obligé s
pour fe foutenir, d’en faire, au rifque de ce qu’il peut arriver. Qn a
quelquefois quarante ou cinquante jours d’un pareil temps -, qu’on
appelle à Manille vendavalé's, c’eft-à-dire les vents d’aval.
Notre Commandant, Don Juan de Cafeins, qui connoiffoît le
climat de Manille, n’eut pas plutôt vu que le temps changeait,
qu’il craignit, & avec raifon, que ce mauvais temps ne fût de
longue durée; il me témoigna fon inquiétude avec d’autant plus
jufte Taifon que ùos vivres commençoian à diminuer, & que fi non*'
êuffiùits été obligés de refter un mois dehors, trous n’euftions plus
eu rien à manger ; d’un autre côté il faifoit trop peu de voiles,
& avec cela il craignoit la côte, parce que nous ne nous eilimions
le 3 qu’à trente lieues, de terre.
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