Ils font cuire à part du riz à lec , comme j’ai déjà dit dans
ma troifième Partie ; cela étant fait, on étend par terre des
feuilles de figuier-bananier, qui fervent de nappes & de fer-
viettes : ces feuilles, longues de plus d’une aune, & larges à
proportion, font belles, très-liiïès & très-propres. On met,
fur cette nappe, d’un,côté, les morceaux de là volaiile.à fec,
de .l’autre côté, le riz fec, & on s’aified autour. Les femmes,
qui fervent dans ce pays, prennent de petites portions des
mêmes elpèces de feuilles, les plient d’une manière fort adroite,
à en pouvoir faire une forte de cuiller aflez creule, qu’elles
vous préfenlent, & qu’il faut avoir foin de bien tenir & de
bien conferver dans là forme ; e’eft avec cette cuiller que vous
prenez le riz : de l’autre main, car on ne connoît point les
fourchettes., vous prenez un morceau de la volaille ; une femme,
avec une cuiller femblable à la vôtre, prend du bouillon &
«n verle dans votre cuiller lùr le riz que vous avez pris, pour
mêler l’un avec l’autre ; & ainfi, vous mangez une eipèce de
loupe au riz & de bouilli de volaille en même temps : ce repas
fe fait finis boire ; mais pendant qu’on mange, dans le vafe
où a cuit le riz , & au fond duquel on laide une croûte plus
ou moins épaiflè de riz qui s’y eft formée , on fait bouillir
de l’eau : après le repas, on vous donne à boire de cette eau,
que les Naturels appellent ranou pangue, qu’ils difent être
très - faine, & que j’ai trouvée on ne peut pas plus infipide
& défagréable,au goût.
Les Noirs de Madagafcar iont, comme je l’ai dit,;fort
adroits; ils fondent les métaux, du moins le fer & l ’argent;
ils battent l’argent & le paflênt comme nous à-la filière, après
l’avoir fondu dans de petits pots de terre ; les foufHets de leurs
forges font de la plus grande fimplicité, & il y a bien de
Fapparence qu’ils font auffi de la première invention ; car ies
nôtres me paroiffent trop compliqués pour avoir été inventés
les premiers. Ils prennent deux troncs d’arbre, dont ils font
deux cylindres, d’un pied environ de diamètre & de trois &
demi de longueur ; ces deux cylindres font percés d’un bout à
l’autre, excepté qu’on y laifle un fond à un des bouts, & un
trou que l’on fait à côté du fond dans î’épaiiîèui' du cylindre; ils
reffemblent par ce moyen à deux corps de pompes, & en font
en effet: elles fe tiennent enfembie par le moyen d’une mortailê
pratiquée dans la longueur de l’une d’elles ; deux tuyaux de fer,
d’un pied environ de longueur & d’un pouce de diamètre,,
partent & fortent du bas de chaque cylindre, à côté du fond
où j’ai dit qu’on a pratiqué un trou ; ces deux tuyaux, en le
rapprochant, font contenus à l’autre bout par une groiîe pierre,,
qui a un trou dans lequel ils entrent.
Chaque corps de pompe a un pifión avec un anneau de
fer au haut ; un Noir tient à chaque main un pifión, & il les
fait aller alternativement & continuellement : ces finguiiers.
iôuffîets produifent beaucoup de vent.
Us font, à Foulpointe,. une eipèce d’étoffè d’écorces d’arbre;,
cette étoile fe nomme pagne •• elle leur fert à fe vêtir. II y en<
a de très-belles par leur fineife ; elles ont eu ùn cours très-
confidérable à l’Ifle-de-France pendant que j’y étois : les
hommes en faiioient des habits; les femmes, des jupes de
deflbus. Lés Nègres de Madagalcar avoient appris à en faire
de piufieurs couleurs & de rayées ; cette étoffe fe ride très-vite
& fe coupe de même : elle dure par conlequent très-peu.
Une pièce porte quatre à cinq aunes de longueur fur
trois quarts de largeur, & fe vendoit alors à Madagalcar, en
l7 y i , 1762 & 1 7 6 3 , trois piaflres ou trois écus de fix