Quoiqu ils n’euffent point de nombres, ils s’entendoienf
très-bien dans ieur commerce, iis comptaient à i’aide de
petites pierres dont iis faifoient de petits tas, en fe fervant
des propres termes de leur idiome, qui font très-fignificatifs
dans le Tagaio. De cette façon iis ne reffentoient point ie
défaut des nombres exprimés en caractères particuliers.
Les gens de mer aimoient beaucoup à aller en courfe, &
les gens de terre à tendre des embûches, le'tout pour piller &
pour voler; pour armes, ils avoient un arc & des flèches, une
lance courte en façon de javeline, armée de fer par le bout
& travaillée de mille façons différentes ; ils en avoient aufft
fans fer, ceft-à-dire de bois, paifées au feu par un bout &
bien affilées; ils avoient encore de très-grands arcs : ceux-ci
leur fervoient à envoyer des flèches empoifonnées.
Pour fe défendre & fe garantir, ils avoient un écu ou
boucher de bois, des cuiraffes de rotin ou de corde trèsferrées,
un cafque de même : l’infidélité & la tyrannie règnoient
par-tout.
La virginité, ma-t-on alluré, était regardée comme un
opprobre, il y avoit des femmes d’office & à falairé pour
faire perdre aux filles leur virginité. Les femmes faifoient
auffi fort peu de cas de leur honneur; elles avoient un amant,
ce petit manège était en honneur chez ces peuples; mais
il faiioit pour cela fe faire payer, car il était déshonorant
pour celles qui fe livraient gratis. C ’eft un fait au reite que
je ne garantis pas, aujourd’hui les femmes font très-modefles
dans le commerce de la fociété ; mais pour peu qu’on emploie
fes prières, elles font faciles.
Les Sages-femmes ou Accoucheufes, dit l’hiftoire Efpagnole,
pour rendre les enfans qui naiffoientplus propres à la génération,
leur coup oient, tant aux mâles qu aux femelles, je ne fa is quoi
des parties de la génération. Aujourd’hui, continue le Père,
cela ne fe pratique pas, mais cet abus fubfjle encore parmi les
jeunes garçons ; cependant on a bien vérifié que ce n'efl pas
la circoncfion des Juifs.
En effet, les jeunes garçons fe coupent réciproquement
le bout du prépuce, même au centre de Manille, mais ils
ont grand foin de le faire en fecret; car comme cette cérémonie
approche de beaucoup de la circoncifion des Juifs,
nation profcrite en Efpagne, & toute dévouée aux brafiers
de i’Inquifition & à fervir d’Auto-da-fé; le cas de ces jeunes
garçons ferait très-grave, & pour 1e moins qu’ils en puffent
être quittes , ce ferait pour une forte & rude pénitence,
accompagnée d’un bon nombre de coups de fouet.
Au relie, d’où peut yenir cette coutume, qui eft la même
à Madagafcar, où l’on remarque des traces du Mahométifme ;
fi ce n’efl pas la circoncifion, cela y reffemble beaucoup.
Les Sages-femmes n’y employoient peut-être pas toutes les
cérémonies en ufage chez les Juifs & chez les Mahométans,
ni à Madagafcar, & peut-être ces peuples n’en faifoient pas
auffi un aéle de religion. Quoi qu’il en foit, le fait efl que
les Sages-femmes coupoient anciennement le prépuce aux
garçons; & aujourd’hui qu’elles n’ofent plus le faire, les
jeunes garçons fe rendent eux-mêmes réciproquement ce
fervice.
Ces peuples ont grand foin d’affortir les mariages ; autrefois
iis n’avoient qu’une feule femme, mais ils pouvoient
avoir plufieurs concubines; le nouveau marié donnoit la
dot & il la donne encore aujourd’hui, cet arrangement fe
fait en traitant le mariage ; les parens de la fille reçoivent