tout ce qu’on m’en a dit ; mais je me contentef'ai de quelques
faits que j’ai pu vérifier.
•L e Fort-dauphin, Foulpointe & ia baie d Antongil, fe
reffembient affez par les mêmes coutumes en générai; mais
le génie des gens du Fort-dauphin, m’a paru différer de celui
des gens de Foulpointe & de ia baie d’Antongil, à peu-
près comme diffèrent entr’elles nos provinces du Midi de
celles du Nord: la couleur eft la même par-tout, & la
figure ne diffère point effentiellement.
A Madagafcar, ils font tous eiclaves des Chefs.
Au Fort - dauphin , l’efpèce humaine eft plus pareffeufe
que celle de Foulpointe , & par conléquent les gens de
Foulpointe doivent fupporter i’efclavage plus patiemment
que ceux du Fort- dauphin ; auffi les gens du Fort-dauphin
font plus fujets au marronage.
A Foulpointe, comme à la baie d’Antongil, les magafins
de vivres font pour ainfi dire ouverts : les propriétaires n’ont
Joint befoin de ferrure; perfonne ne touche au magafin de
Ion voifin. Etant allé un jour, à la baie d’Atitongil, me promener
en pirogue fur la grande rivière, j’aperçus à un quart
de lieue du village, & à quelques pas de la rive gauche de
cette rivière , deux arbres, qui, par leur verdure agréable,
m’engagèrent à mettre pied à terre; un petit fentier m’y
conduifit, & l’ayant fùivi plus loin , j’arrivai au bout de
cent pas environ, dans un petit défriché, c’eft-à-dire, dans
un petit efpace que l’on avoit nétoyé au milieu de l’épaiffeur
du bois, & où je vis une grange ou magafin affez confi-
dérabie, tout plein de riz ’qui n’étoit point battu : une
fimple porte de natte fervoit de fureté ; des branches d’arbre
avec lefqueHes cette porte étoit attachée, étoient la ferrure,
& elles fuffifoient : les miférables mangent des racines &
refpeélent ces magafins; perfonne n’y touche, quoique les
propriétaires en foient fouvent fort éloignés. Il n’y a que la
guerre qui autorife ceux qui font les plus forts à enlever
ces magafins ; il eft vrai qu’un rien allume la guerre dans ce
pays-là, & que les Chefs ne manquent jamais de raifons pour
la faire lorfqu’ils n’ont pas de vivres.
Nous fommes dans la même fécurité pour nos effets vis-
à-vis des gens de Foulpointe ; & en général, la meilleure
garde que l’on puiffe avoir dans ce pays-là pour être fûr de
n’être point Volé, eft un domeftique du pays même ; on
les appelle marmites.
En arrivant à Foulpointe, M. de Laval me fit dans l’inftant
préparer une cafe pour moi, mes effets & mes initrumerts ;
& comme je voulus faire une porte & y mettre un cadenat,
M. de Laval m’affura que je n’en avois pas befoin, que
tout le monde couchoit fans portes ; & en effet, je fus fort
étonné de voir que toutes les autres cafes de notre palifîâde,
même celle de M. de Laval, n’avoient pas plus de portes
les unes que les autres : j’ai honte de le dire, on n’y craint
que les Blancs, & s’il y a quelque vol de fait à Madagafcar,
il fe trouve prefque toujours que c’eft l’ouvrage des Équipages
des Vaiffeaux.
Un Noir marmite vint s’offrir à moi pour garder ma cafe;
je le pris fur l’affuranee de M. de Laval : cet homme venoit
à cinq heures préeifes du matin ; il m’arrangeoit ma chambre,
me faifoit mon lit , m’aidoit dans tout ce qu’il pouvoit, &
îi paffoit enfuite le refte du temps à ma porte jufqu’après
mon dîner; il me demandoit alors la permiffion d’aller manger
dans un petit village voifin d’où il étoit : abfent pendant