moins d’une portée de fufil de la roche : après l’avoir doublée,
nous fîmes le Nord-oueft, enfuite le Nord-oueft-quart -
nord, 8cc.
A r t i c l e s i x i è m e .
|
Sur les produftïons du Fort - dauphin , propres au
commerce & à la vie.
L a partie de Madagafcar où eft le Fort - dauphin, étant
par 2 j degrés de latitude, on pourrait s’y procurer toutes
les aiiànces pour la vie que l’on peut avoir en France : la
terre y eft excellente ; du blé 8c de l’avoine que M. de la
Fontaine y avoit femés, y ont parfaitement réuifi ; il avoit
fait faire un jardin potager , où les légumes venoient à
merveille 8c y avoient un goût excellent : le boeuf eft très-
bon dans ce canton & même trop nourriflant ; le mouton y
eft grand & bon ; la queue de ces moutons, qui pèle dans
quelques-uns quinze livres au moins, fait un manger délicieux
: la volaille y eft également très - bonne & feroit un
mêts très-délicat, fi on l’engraiffoit comme on fait en France.
Il y a du gibier de toute efpèce, St. fùr-tout des merles en
quantité furptenante ; ces merles font très-bons ; quoique plus
petits que les nôtres 8c ne font qu’une pelote de graille.
La baîe du Fort-dauphin fourmille de poiffon de toute
efpèce & très-bon ; les rivières & fes étangs en font remplis :
fa rivière de Fanshere, à dix lieues environ à l’Oueft du
Fort-dauphin, renferme des mulets ; cette rivière eft large
& belle : ie Roi de cette partie de Madagafcar, a fa capitale
à trois cents toiles de la rive droite de cette rivière ; fon
amufement ordinaire étoit la pêche ; il a fouvent envoyé à
d a n s l e s M e r s d e l ’ I n d e . '403
M. de la Fontaine des mulets de là pêche, dont la grandeur
me furprit : j’en ai mefuré qui avoient plus de 3 pieds de
longueur ; ils étaient gros à proportion ; & qu’on ne penlè
point ici que j’exagère t ces mulets, quoique gros, n’en étoient
pas moins exceilens ; mais je n’ai rien mangé au Fort-dauphin
de fi bon en gibier que le Héron, & en poilfon le Merlan,
qui y eft deux ou trois fois plus fort qu’en France.
L ’air eft très-bon au Fort - dauphin, Sc la chaleur y eft
allez tempérée, à caufe des grandes brifes qui renouvellent
perpétuellement l’air; les nuits y font fraîches: j’y ai toujours
fupporté des couvertures de laine, 8c j’étais fouvent obligé
au coucher du Soleil de prendre du drap, quoique cet
aftre ne palîat alors qu’à 1 o à 12 degrés de notre Zénith ;
cependant, le thermomètre n’eft pas delcendu plus bas qu’à
16 degrés.
Je me fuis très-bien porté au Fort-dauphin ; on y mange
beaucoup : en y arrivant, une faim fmgulière s’empara de
moi 8c ne me quitta point pendant mon féjour ; je failbis
par jour trois grands repas, 8c j’étois furpris de voir comment
des viandes auffi fucculentes Sc auffi nourriiïàntes, pafîoient
cependant fi vîte 8c en lî peu de temps, quoiqûe le défaut
ordinaire de mon eftomac fût de digérer avec beaucoup de
difficulté : on aura fans doute peine à croire que ces trois
grands repas ne me fuffilôient pas encore ; il nous venoit
fouvent, à M. des Biottières 8c à moi, d’exceliens bouillons
de réferve entre ces repas, pour nous aider à prendre des
hauteurs du Soleil. Je penfai payer de la vie une conduite
li peu mefurée dans le manger ; j’avois trop écouté mon
appétit.
Lorfque nous arrivâmes à l’Hïe-de-France, les chaleurs
E e e ij