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approvifionner. Cette Ifle ,J'H M. de Flacourt, eft le paradis
- terreftre. - r ' > •
Un fait encore fort fingulier, eft que les boeufs n aiment
pas le changement de quartier : on a remarque en effet qu ils
fe portent très-bien au bord de ia mer & dans les bois qui la
bordent, mais tranfplantez-ies de-là dans un autre quartier
de Tille, vous ferez moralement fur de les voir dépérir, &
'd’en perdre même une partie avant que 1 autre, fe faffe au
nouveau climat. Depuis 172 2 que nous avons pris poffeffion
de l’Iüe-de-France, jufqu’en 176 5 , ies boeufs & ^es vaches y
avoient fi peu profité, qu’à cette dernière époque il n’y avoit
pas dans toute i’Ifle, plus de trois à quatre mille boeufs ou
.vaches : on calculoit en 17 7 0 , à ce qu’on m’a affuré, qui!
n’y en avoit pas cinq mille.
De cette difette de troupeaux il fuit qu’il ne peut y avoir
'de boucherie à f Ifle-de-France ; la viande y vaioit , en 1770
& 1 7 7 1 , quarante à cinquante fous tournois la livre.
Dans la belle"faifon on envoie à Madagafcar , & on en tire
’des boeufs le plus qu’il eft poflibie, mais onconfomme bien
vite ie peu qu’on en apporte ; de forte qu on y eft fouvent aux
expédiens pour la viande. Lorlque j en partis, en 1 7 7 1 ^
i . cr Avril, on avoit été forcé de faire une entreprife pour
une boucherie ; l’Entrepreneur, de qui je tiens ie fait, égor-
geoit par jour dix à onze tant boeufs que vaches. H n y avoit
pas d’apparence qu’on pût rien tirer de Madagafcar avant le
mois de Juin ; il y avoit près de deux mois que cette boucherie
duroit; on égorgea donc cette année près de milie beftiaux,
dont les deux tiers étoient des animaux précieux, des vaches
enfin ; on dut donc faire périr en trois mois plus du fixième
des troupeaux de i’Ifle ; ce fut une plaie portée à cette Iife
Il ny a qu’un établiffement folide à Madagafcar qui puiffe
garantir flfle-de-France de ces faignées qui l’épuiforont tout-
à-fait fi l’on n’y fait pas attention.
Quoique je fâche bien tout ce que i’Ifie-de-France a pu
fournir pendant la dernière guerre, je n’ignore pas non plus
que Madagafcar a été une'des principales fources oî^ l’on a
puifé abondamment dans ces temps malheureux. Cette Iffe
eft donc un appui pour l’Ifle-de-France, & tout fembie nous
engager à y faire un établifîèment; rien de fi facile, pour le
répéter ic i, que d’établir cette Ifle.
J’ai vu, en 17 7 0 , bien des gens à fille-de-France qui
a u ro ie n t facilement paffé au Fort-dauphin s’ils avoient vu cet
établiffement prendre une forme folide & permanente ; & à
flile-de-Bourbon, où la population eft de fait plus grande
qu’à i’Ifle-de-France, & où les habitans n’ont en général
nul defir de la France qu’ils ne connoiflènt point, ils feront
fins doute obligés, fi la population continue de s’accroître,
de faire quelque émigration, tant les biens font déjà fubdi-
vifés en quantité d’habitations. (
Aux caufes phyfiques du dépériiîëment des troupeaux à
î’Ifle-de-France, fo joignent plufieurs caufos morales qui ne
font pas de mon ïeflbrt; mais enfin elles cefferont toute*
fitôt que Madagafcar fera établie.
J’ai compté fix à fcpt fléaux à i’Ifle-de-France : les faute*
relies, les rats, les oifcaux, les chenilles, les papillons, les
fechereffes, & enfin les ouragans.
Les fàuterefles y font quelquefois par nuées, & lorfqu’elles
tombent fur un champ, elles font bientôt moiifonné, fouvent
même avant qu’on, ait eu ie temps de les chaUèr,
Du prétend que ce font les rats qui ont çhaffé les Hollandois
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