tira un coup de canon auquel il ne répondit point ; cependant je
crus qu’il alloit ripofter, car fes canons étojent détappés & en
avant. Nous avions un tel avantage de marche fur lui, fans cependant
être grands marcheurs, que pour le tenir toujours par notre travers,
pous fumes obligés de tout carguer, de ne conferver que nos
huniers, & de mettre le perroquet de fougue fur le mât. Dans cet
état on lui envoya un fécond boulet qui, fans le toucher, lui fit
promptement amener fes perroquets & carguer fa grande voile. Il
nous envoya fon Supercargue, & de notre côté nous lui envoyâmes
une Garde, piufieurs Officiers & un Timonier.
Ce Supercargue nous alfura.que ce Vaiffeau étoit Maure; qu’il
fortoit de Surate; qu’il étoit en mer depuis vingt-fix jours, allant
à Gedda dans la Mer-rouge : il nous affura encore que la cargaifon
de ce Vaiffeau , qui pouvoit être de cinq cents tonneaux de port,
appartenoit toute au Capitaine qui étoit originaire Turc. Quant à
la guerre de l’Inde, il ne fatisfit nullement notre curiofité,
On envoya chercher le Pilote ; il vint & àpporta avec lui trois
paffeports qu’il nous montra; mais il ne nous fatisfit pas plus que
le Supercargue fur la guerre de l’Inde, & en cela je crois qu ils
avoient leur politique , car on ne pouvoit pas ignorer a Surate
dorfqu’ii en partit, la prife de Pondichéry.
Je m ’écarte -un peu de mon objet , mais je'ne peux m'empêcher
de vous fairè part des paffeports que nous trouvâmes à bord de
Ce Vaiffeau -, vous verrez l’empire que les François & les Angloit
exercent dans ces mers. C ’étoient les Portugais autrefois qui en
étoient les maîtres ; ils en avoient défendu le commerce aux gens
du pays, & neTaccordoient que pour de greffes fommes d’argent.
Cet empire tyrannique a duré plus d’un fiècle, mais enfin il tomba
en i 622 par la prife à'Ormus (b ) . Les Portugais, comme vous
favez , ne font plus rien aujourd’hui dans l’Inde : les HoilaiidoiSj
Angiois & François fe font emparés de cet empire : il n’eft pas à
la vérité fi tyrannique, mais enfin je voudrois bien qu il vint
0 ) Voyc% Chardin*
dans nos mers une efcadre de vaiffeaux Maures arrêter nos Navires
marchands, & les faifir s’ils ne les trouvoient pas munis d’un
paffeport du Mogol ou de quelque Nabab.
Copie des Certificats ou Paffeports dont s’efl trouvé muni
le vailîèau Maure que la Sylphide rencontra le 4 Mai
i j 6 i , par lès i4 d 50' de latitude feptentrionale, & par
les 5 5d 4 2 ' de longitude orientale.
P a s s e p o r t s de la Compagnie de France
aux Indes orientales.
De p a r l e R o i & la C o m p a g n i e d e F r a n c e a u x I n d e s
o r i e n t a l e s .
N o US George Duval de Leyrit , Écuyer, Commandant général
de tous les établiffemens François aux Indes orientales, Préfdent
des Confei/s fupérieurs ¿X provinces y établies ; Gouverneur pour le
Roi, des villes ¿X forts de Pondicbery, ¿X Confeiller au Confeil
fupérieur, à tous ceux qui ces préfentes Lettres verront; S A LU T.
Le nommé Agyhafen Baugdady Marchand, demeurant à Surate,
defrant envoyer fin vaiffeau le Faymakay, du port de quatorze cents
Candis, ayant vingt pièces de canon montées, cent cinquante hommes
d’équipage ¿X deux cents pajfagers (e j, tant blancs que Lafcards,
panant de Surate pour aller à Gedda, Moka ou Baffora, commandé
par le nommé Agyhafen Taivien, fur lequel e f pilote le nommé Jouberd
Mahomet, nous auroit injlamment requis de lui oüroyer notre Pajfeport
pour le voyage ¿ X le retour en cette rade feulement, ce que nous lui
avons oâroyé. A CES CHUSES, prions ¿X requérons tous amis ¿X
alliés de la Couronne de France, tous Capitaines commandant les
Vaiffeaux de Sa Majefté ; ¿X enjoignons à tous ceux de la Compagnie
dis Indes, de laijffer librement paffer, aller ¿X venir ledit vaiffeau le
Faymakay, fans lui oppofer aucun trouble ni empêchement ; mais au
(c) Ces Pafïagers étoient des Pèlerins, qui alloient à la Mecque.
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