Manille intitule fes Arrêts ), ce furent deux Elpagnols, qui
ayant paffé à la côte de Coromandel, je ne nie rappelle
pas comment, revinrent à Manille, en 1 7 6 6 , fur la Sultana
Began, chargée de marchandifes, d’Arméniens & de François,
qui étaient foi - difans paffagers. Ces deux Elpagnols dirent,
en arrivant à Manille, que les marchandifes de ce Navire
leur appartenoient : or, cela fit une grande conteflation. Le
Gouverneur fit faire des recherches & des enquêtes fur la
nature des effets que la Sultana apportait ; djpù venoient ces
effets & à qui ils appartenoient, & par un décret du mois
de Novembre, il fit pafîér toute la vérification à l’Audience
royale , qui déclara que l’on pouvoît remettre aux deux
Elpagnols & aux Arméniens les marchandifes qu’ils difoient
leur appartenir, pour plufieurs raifons ; la première & principale,
fut qu’il n’étoit pas prouvé qu’il y eût aucun doi dans
leur manière d’agir' ; la féconde , que lefdits Elpagnols
étoient allés faire leur commerce dans les ports de l’Afie,
avec le bon plaifir du Gouvernement fupérieur de Manille,
qui peut accorder cette permiffion avec la reftriélion, difoit
l’A rrêt, de ne point aller dans les ports qui font occupé*
par les ennemis de l ’État ; /avoir, les Anglois, les HoUandois
ér les François ; c’eft ainfi que l’Audience royale nous
traitait en 1766.
Cette même année, le vailfeau françois l’Union, comme
je viens de le dire, fut à Manille ; il avoit à fa tête un
Supercargue françois, des Officiers françois, & il portait
'pavillon Maure : lorfqu’il fe -préfenta devant le Gouverneur,
celui-ci lui fit d’abord mille & mille difficultés ; il ne trouvoit
point que ce Supercargue eût la figure ni la couleur d’un
Maure; cependant l’affaire s’arrangea par i’entremilè d’un
ancien Pilote françois, négociant à Manille, chez lequel je
logeois. Ce Pilote avoit' autrefois été marié dans cette ville à
une Efpagnole , & au moyen de ce mariagd, : il avoit la
permiffion de relier aux Philippines & d’y commercer ; il
intéreffa dans cette affaire le Secrétaire du Gouvernement*
qui recherchoit en mariage une de lés filles ; & tout s’arrangea
par ce canal. Le Gouverneur me fit voir les beaux
préféns dont on i’avoit régalé, qui confiiloient en effets de
l’Inde de toute beauté ; mais le Fiféal, mécontent fans doute,
donna fon requifitoire contre le Supercargue françois, prétendant
que ce vaiffeau, ainfi que le bâtiment la Sultana Began,
étoient dans le cas de l’Ordonnance du mois de Décembre
1 dp 5 : l’affaire s’arrangea encore. L ’Audience royale joignit
enfemble ces deux vaiffeaux , pour juger l’affaire par un
même & unique Arrêt : Elle dit « qu’à l’égard de ce que
demandoit le feigneur Fifcai contre le fieur Labat, & contre «
plufieurs Elpagnols qui avoient acheté de lui des marchandifés K
prohibées , & pareillement contre tous ceux qui favorifent «
à Manille ce commerce illicite, &c. elle déclaroit qu’il falloit «
fufpendre & arrêter toute efpèce de pourfoite contre ledit «
Labat, & contre les Elpagnols qui avoient acheté des mar- «
chandifes prohibées ; car, continue l’Arrêt, quoique l’Audience «
royale prenne la demande du feigneur Fifcai en confidération,
& qu il foit en droit d’exiger ce qu’elle porte, l’Audience «
royale regarde comme certain que toute la ville de Manille «
iéroit complice, ainfi que les Religions (c) & autres perfonnes «
exemptes & en place,, qui pendant cinq ans ( c’e fl-à -d ire «
depuis la paix ) qu’a duré ce commerce, fé font pourvues «
des chofes néceffaires à leur propre ufage, à celui de leur «
( c ) On entend par Religions, les différens Ordres religieux.