belle & excellente èau, & chacun à fort tôlir & rang prend
un vàfê' & boit; il arrive fouvent que la maîtreflê, qui boit
là pretnièrè, ne peut avaler toute l’eau du jarro; fi le domeilique
à qui elle le remet juge qu’il en eil aifèz reilé pour la per*
ionrie qui fuit, il vous préfonte fans balancer le reile de
madame, fmon il court vite remplir fort jarro : lés Elpagnois
ne font nullement délicats fur cet article de propreté; quant
à m o i, je me fuis fouvent paffé de confitures & d’eau pour
ne rien faire païoître du dégoût que j’avois pour cet uiàge,,
révoltant; ce que je trôuvois dê plus défàgïéâble, c’eil que
toutes ces dames viennent fouvent dë cracher leur bethei
avant qùé de fe rafraîchir, & qu’elles en ont encore la bouche
toute imprégnée; mais On ii’eit pas difficile à Manille fur
cet article; puifque les femmes boivent auifi quelquefois le
reile des hommes. J’étois ièul un jour avec Une dame de
confidération, que j ’étois allé Voir dans la matinée; elle eut
befoin de prendre quelque rafraîchiffement ; elle appela pour
Cet effet un domeilique : fur le champ il efh parut trois, un
portoit les confitures, les deux auffes-chacun un grand jarro
plein d’éau ; elle m’engagea de commencer ;; il ne loi fallut
pas ufer de beaucoup d’initances, je pris très-volontiers,
le premier, des confitures : je pris auifi ie premier vaiè qu’on
ïne préfenta, dont je ne pus boire que la moitié; on le paiîà
à la dame, ’qui le prit iàns nulle répugnance, & jugeant
qu’il y avoit allez d’eau, but iàns peine mon reile.
On b o it, comme l’on v o it, beaucoup d’eau à Manille-;
je lais que dans ces climats chauds, une grande quantité de
boilîon 'eil abfolument néceflâirë; mais je ne fais fi cette
grande abondance d’eau, dont on fait ufage à Manille dans
les repas & pendant le jour hors les repas, ne relâche pas
a la fin i’eitomaç, ;& ne caiife pas le cours de ventre, maladie
ordinaire à Manille : quçi qu’il en fait,, i’eilomac une fois
dérangé dans ce pays, ne fe rétablit que très-difficilement;
les évacuations ( evacuaciones) , c’eil ainfi qu ils appellent les
cours de ventre, n’y guériflent qu’avec peine ; ceux, fur-tout
occafionnés par une forte peine, quelque crainte ou grand
chagrin, font incurables, de l’aveu même des Efpagnols :
les malades guériifent à la vérité pour fept , huit ou dix
jours au plus, après lefquèls le reflux les reprend pour ne
les plus quitter ; ils périffent enfin, pour ainfi dire, à plufieurs
reprifes. J’ai été jrfTçz heureux pour m’y bien porter, malgré
quelques peines d’efprit que j’y ai efluyées.
Le cours de ventre eil la feule maladie à Manille, il n’y en
a point d’épidémiques. Le mal vénérien .ou galtico, ( comme
ilsd’appellent, je ne'fais pourquoi ) y e(l;très-commun ; mais
011 n’en meurt point,* la grande chaleur & la grande tranlpi-
ration-font qu’on vit /à Manille aveccette ¡incommodité, on
■fe marie avec iàns s’en effrayer, & le mal paiiè aux enfàns
par iùcceifion ; c’eil 1 une eipèce d’héritage dont il y a peu
de familles européennes qui me (oient tachées.
Manille a-fes jours.de;fêtes de Gala, ces.jours-la on
fe régale, on danfe & on fert du vin avec une honnete
profufion. On fait auifi une eipèce de boiiion appelée
fangria ( ce mot .veut dire faignée ),, à mon avis tres-bonne ;
c’eil une ¡limonade aifez'légère, dans laquelle on mele du
vin; on la met dans une grande terrine, à peu-près comme
les Anglois mettent leur .poiwh , & on .eil le maître de
tdemander, , foit du vin ou de l’eau ,-foit de la fangria, ou
même du vin pur.
Les jours de grandes fêtés, telles que le jour de Noël,
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