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fix millions , & vont en ctoiffant tous les
jours. C e revenu eft fuffifant pour les^ tems de
paix : l'armée & la flotte coûtent environ trois
millions foixante-douze mille quatre cents quatre-
vingt-cinq liv. fterlings ; l’établifiement civil deux
millions deux cents foixantc-douze mille ^quatre
cents quatre-vingt-trois j le refte , ^c eft-a-dire ,
huit cents mille livres, eft affeéle à la bourfe
particulière de l'impératrice.
M. Leclerc n'évalue les revenus de la Ruffie
qu’à cent trois millions quatre - vingt dix - fept
de mille huit cents.quarante liv. trois fols, argent
France ; il compte les dépenfes ordinaires fur le
pied de quarante-cinq millions quatre cents vingt-
cinq mille huit cents quatre-vingt-quatre. Les
revenus cxcéderoient àlnfi les depenfes de cin-
quante-fcpt millions fix cents foixante onze mille
neuf cer.ts quatre-vingt cinq livre s, ce que-,perforine,
ne croira.
En adoptant le calcul plus vraifemblable de
M - 'C o x e , il ne relierait un excédent que de dix-
huit ou vingt millions : au telle d’après un excédent
fi peu confidérable nous dirons avec M.Coxe :
V on ne conçoit pas comment l'impératrice peut
füffire à la magnificence de fa cou r , au grand
nombre d’érablifleinens qu'elle a formés , à celui
des bâtimens conftruits à fes dépens , & pour
lefquels elle a affigné en tems de paix une fomme
annuelle de deux cents mille livrés fterlings, à fes
libéralités, aux encouragemens qu'elle accorde
aux arts & aux fciences , aux achats qu’elle fait
fans Ceffe dans divers pays de l'Europe, aux
préfens immenfes que reçoivent d’elles les per-.
fonnes qu'elle favorife , & c . «
„ Les revenus de la Rufie continue-t-il peuvent
être confidérablement augmentés en cas de
befoin , comme on l’a vu dans la dernière guerre,
par l'accroiffement de la capitation & la création
de nouveaux impôts. Il faut aulfi obfervet qu en
177 j l'impératrice fupprima cinquanteTepc taxes,
: & dix l’année fuivante.»
», C e qui contribua le plus à mettre le gouvernement
en état de foutenir la derniere guerre, ce
fut la nouvelle banque établie fous le nom de
banque d’aflignation-, dans un tems où l'on ne
pouvoit battre allez de monnoié de cuivre pour
fuffire aux dépenfes. On fit des billets de banque
de la valeur de dix , de quinze & de vingt livres
fterlings. On en paye la valeur dans les banques
de Pétersbourg & de M q fcow . M* Coxe a vu la
première de ces banques, qui eft un bâtiment de
brique fous lequel il y a plufieurs chambres voûtées
, dont chacune peut contenir quatre cents
mille’ livres fterlings en monnoie de cuivre dans
des facs empilés les uns furies autres. 11 eft difficile
de déterminer la quantité précité de billets
en circulation. Les direâeurs de la banque dirent
à ce vovageur que chaque bilj.et avoit fon équt-
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valent en monnoié de cuivre , mais des hommes
qui fe croyent bien inftruits ne le penfent pas. Ils
lui dirent en outre que la banque avoir aulli
des bâtimens à M o f c o v , que ceux de Péters-
bourg contenoient deux millions fterlings en monnoie
de cuivre , & cent mille liv. fterl. en monnoie
d'argent j.que dans les bâtimens de la banque 1
à Mofcow on avoit déjà dépofè pour un million
deux cents mille liv. fterlings de cuivre ,
& qu’on en battoit pour deux cents mille liv. fterl.
Suivant ce calcul il y aurait eu en 1779 des
billets de banque en circulation pour une fomme
de quatre millions deux cents mille liv. fterlings.
On peut croire cependant que cette ellimation ell
au-deffous de la réalité, & plufieurs personnes
alfurent qu’il y en a au moins pour dix millions.
Quand ces billets commencèrent à paraître, I
ils ne furent pas reçus fans difficulté, fur-tout
dans les provinces éloignées, 8c ils perdoient
environ trois 8c demi , 8c dans certains endroits'
fix pour cent. Mais leurs avantages, comparativement
à la monnoie de cuivre, les rendit bientôt
d’un ufage général. On les a même enfuite
trouvés fi utiles dans le commerce, qu'ils ne
perdent qu’un pour cent fur la monnoie d’argen
t, 8c gagnent un 8c demi pour cent fut celle
de cuivre.
A la fin de* la dernière guerre, les dettes con-
traftées par la Rujfit envers les étrangers ne fe
montoient qu’ à deux millions de liv. fterl., &
elles ont été prefque acquittées. On a emprunté
dernièrement une pareille fomme en Hollande,
8c probablement la ' guerre âétuèlle contre les
Turcs augmentera beaucoup la dépenfe publique.
Mais il eft queftion- de favoir quelles, dettes
le gouvernement a contraélé envers, les fujets,
par la création des billets-monnoie , 8c c’ell ce
qu'il n’eft pas aifé de découvrir.
L’impératrice aéluelle qui a trouvé pour elle
de fi grands avantages dans la Banque des afigantions
, paroît abufer de'cette reflburce .du papier-
monnoie. Nous avons expliqué ailleurs , dans
quels pays , dans quels gouvernemens, 8c avec
quelles précautions elle eft convenable. Voyei les
articles, M onnoie Sc P a p ie r -m o n n o iE. Notïs
ne nous permettrons rien de plus ; nous ajouterons
que l’année derriière!iy86, le 18 juin, "P
ukafe de Catherine II. a ordonné d’établir une |
banque de fecours pour la noblefle 8c les^villes,
laquelle banque fera réunie à la banque, dés.affi-
gnations. Le fonds de cette banque fêta de trente-
trois millions de roubles , dont vingt-deux pont
la noblefle, & onze pour lés v illes , 8c fendra,
dit-on, à encourager 8c à foutenir le commerce
intérieur 8c celui avec la Chine , la Perfe, &c.
A la fin de chaque année on payera cinq pn“'
cent d’intérêts, 8c trois pour cent en fus pont
l’amortiffement du capital. Les .payfaus-ferfs Peu‘
vent être hypothéqués, la tête à raifon de q“ '
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tante roubles. A l’échéance du terme ip quatre
années, l’hypothèque donnée en ferfs fera dirrvi-
minuée dans la proportion des payemens qui auront
été faits, 8c les maîtres pourront difpofer
librèment des ferfs déchargés d’hypothèque. La
banque fera fous la proteâion immédiate de
l’impératrice, 8c ne dépendra.que de fa majefté.
Chacun pourra y dépofer des capitaux ; on en
payera un demi pour cent par an. Il fera établi
à cette banque un comptoir d’expéditions d af-
furances, qui affurera , à raifon d’ un 8c demi
pour cent, les maifons conftruites en pierres,
fabriques, 8cc. dans touf l’empire ; les aflurances
pour maifons, fabriques , 8cc. en pays étranget
feront défendues. Les maifons 8c fabriques appartenant
à la noblefle, qui font alfurees , feront
acceptées par la banque dans les contrats , comme
hypothèques. La banque d’affignations pourra
acheter du cuivre .dans l’empire , lé vendre a
l’étranger, ou le faire monnoyer; elle pourra
r faire venir de l’ étranger de l’or 8c de I argent, 8c
établir à Pétersbourg un hôtel de monnoie , 8c
E y faire frapper des efpèces d’or , d’argent 8c de
cuivré j cette banque pourra aufiï efeompter des
lettres-de-change , mais elle ne pourra^ prendre
I- par mois qu'un demi pour cent d’intérêts,; 11 eft
j défendu aux cailles de la couronne , Sc aux caif-
| fes des particuliers de jamais prendre plus de
cinq pour cent d’intérêts annuels.
Gn imite en R u ß e , comme on le v o i t , les
I grandes opérations de banque des autres pays ;
| mais il faudra voir'fi le commerce & l’état de
I Ruße comportent des moyens fi dangereux , fi
! la confiance publique portera beaucoup d’argent
1 à la nouvelle banque , fi l'autorité, pourra faire
! recevoir fon papier, êcc. &c.
■ Au relie le doéteur Bufching vient de dire dans
S fa feuille hebdomadaire , que les dettes1 de la
Ruße font amorties tout au plus de fix millions
ï fix cents mille roubles ; que l’extinélion totale de
I ces dettes eft un des principaux objets des foins
[ de d’impératrice ; ‘que fa majefté impériale a ordonné
, qu’ à commencer de l’année 178 9 , on
[ en payerait par an un million, 8c que ces
dettes feroient acquittées entièrement dans l’an-
[ née 179 y ; que, Catherine a dépofé un fonds de
| quinze millions' pour des befoins imprévus ; 8c
j qué ce fonds fera augmenté tous les ans ; qu’ à
j commencer de 1788 , lès deux banques de FEm-
f pire feront- tenues de publier tous les ans leur
[' billan, 8c que tous les trois ans le commerce pn
ï choifira les direéteurs.
Cette publicité des comptes des deux ban-
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qiies de l'Empire , feroit un très-bon moyen de
prévenir plufieurs des abus du papier-monnoie ;
mais il faudra que ces comptes foient rendus
avec fidélité & avec exactitude ; il faudra que
-la noble franchife de Catherine IL fe perpétue,
& c’eft' ce qu'on ne peut èfpérer dans- le gouvernement
de RuJJîe.
S E C T I O N XI.
Des troupes & de la marine de L’empire de Rufïîc j
& remarques politiques,
Rien ne peut donner une plus haute idée de
la grande habileré & du génie perfévérant de
Pierre-le-grand, que l’état dans lequel il trouva
la marine rliffe, & celui où il la laiffa ; au com-3
mencement de fon règne il n'avoit pas un feul
vaiffeau fur la mer Baltique , & dans le cours
de peu d’années il y fit paroître une flotte de
cinquante vaiffeaux de ligne , qui fut maîtreffe
de cette mer.
Sous fes fucceffeurs la^mariné ruffe fut fort
négligée j elle étoit eh fi mauvais état à l ’avènement
de Catherine II , qu’on peut dire de
cette princeffe qu’ elle à - prefque aufli créé une
nouvelle flotte comme Pierre-le Grand. Elle a
appellé en RuJJîe plufieurs capitaines conf-
truCteurs anglôis , & ën particulier l’amiral. Kno-
•wles ; qui eft' renommé par-fes connoiffances
dans i ’architêCturë navale. Sous fes aufpices ,
l’Europe a vu il n’y a pas long-tems avec éton-'
nement le pavillon ruffe déployé dans l’Archipel,
& là flotte turque anéantie à Tchefrné par une
efeadre venue du nord:
La Ru fie produit tout ce qui eft néceffaire
pour la conftruCtion & l ’équipement dès vaiffeaux.
On les..conftruit principalement à CronG
tadt ,• à Pétersbourg & à Archange! ; ceux qui
font conftruits à ’ Crônftadt & Péteisboiiig font
de bois de-chêne , ceux d’Archangel font de bois
de mélèfe , efpèce de fa-pin , & par cela même
moins propres à foutenir un combat. Le chêne
vient de la- province de Cafan 5 l’Ukraine & la
province de Mofcow fôiirnifferit le chanvre : on
trouve des mâts dans les vaftes fôr'êïs qui font
entre Nowogorod & le golfe de Finlande : ou
dans le s . provincès démembrées de la Pologne.
Wihourg fournit la poix & le goudron j il y. a
dans diférentes provinces des manufaêtüies de
toiles à voiles & de cordages. Enfin les magafins
de Pétersbourg & d’Archàngel font toujours abondamment
pourvus de ces divers articles.
(Rcon. polit, 6* diplomatique, Tom. IV\ Y