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SIBÉRIE , grande contrée du nord de LAfie
qui appartient à la Ruffie..
Le nom de Sibérie n'appartient proprement
qu'à la partie méridionale de la province de. T o-
bolsk ; mais on le donne aujourd'hui dans un fehs
plus étendu à toute la partie feptentrionale de
l ’Afie, qui eft bornée vers l'occident par l'empiré
de Ruffie 5 vers le nord par la mer glaciale > vers
l'orient par la mer orientale , & vers le fud par
la grande Tartarle. Sa longueur , du couchant
au levant > eft, d’environ huit cents milles géographiques
, & la Targeur j du midi au feptentrion,
à-peu-près de trois cents.
Le fleuve de Jenifei divife la Sibérie én deux
parties. Celle qui eft en-deçà de ce fleuve diffère
peu des autres parties de l'Europe : mais celle qui
eft en-dela eil d une toute autre nature ; car elle
eft très-montuéufe , & elle offre des vallées agréables
j on y voit des animaux que l’pn ne trouve
pas dans la partie antérieure , tels que la chèvre
qui donne le mufc. On y trouve des plantes inconnues
dans toute l'Europe , 8c celles qui font
très-communes en Europe ne s'y trouvent pas.
L eau y èft plus pure , plus,claire, 8c par cbnfé-
quent pl us Taine j les poiffons & les .oifeaux y! font
d'un go-iît agréable.
Lorfque les bleds ne font pas mûrs au mois
«l'août, on a peu d'efpérance de les voir mûrir.
I l arrive même quelquefois dans la province de
Jenifeisk , qu'ils font couverts par la neige avant
d'avoir pu être récoltes;
; La partie.feptentrionale de la Sibérie ne produit
aucune ;éfpèce 'de -denrées ni de fruits , & la
terre eft inculte au-delà du foixantième degré" de
latitude^ Mais il eft' S des t années où l’orgé' mûrit
près de Jakutz.; Les habitans fe nourriffent de
poiffon & de viande., & les Ruffes reçoivent du
bled ,de^:diftri(fts méridionaux. La fertilité de ces
diftri&seft digne d'admiration j .on diftingue fur-
tout les cantons qui font'en-deçà du lac de Bai-
k a l, 8ç pa|tsçplièrement ceux qu;i font à l'orient
vers le, fleuve _d'Ar,gun. Mais. la parefle’ des ha-
bitahs, néglige-^ plupart dé ces terres , qui fe-
joient cependant d'un grand produit. Les pâturages
nourriffent un .nombreux bétail , & on y
rencontre beaucoup de betes i corne», des chevaux
, des chèvres , &c.'
Les chofes .néceffaires à -la vie font à' très-bas
prix. î,par exemple , un |?ud;( quarante'livres poids
de'Ruffiè.)de farine coûte deirinq à huit copekes,
& un pud du meilleur boeufTde vingt à trente co-
pekes.
Autrefois les peuplades tributaires ne don-
noient que dés peaux de zibelines & de renards^
mais aujourd'hui on reçoit aufll des peaux
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d'ecureurls , d'ours, de rênes, de loutres, &c.
ou même de l'argent ; cet arrangement a lieu dans
les environs de la Léna , dans ceux d'Ilinsk ,
d'Irkutzk, de Seleginsk 8c de Nertfchinsk. Louf-
que les Tartares commencèrent à payer un tribut,
ils ne connoiffoient point la valeur des diffé-
rentés efpèces de pelleteries ; ils donnoient
prefque pour rien des zibelines d'un prix
extraordinaire j fuon alloit les trouver avec un
chaudron de fer ils le rempliffoient de peaùx
de zibelines , .8c ils offroient en échange autant
de ces fourures qu'il pouvoir en contenir : mais
ils font devenus plus habiles. Ils vendent à
meilleur compte aux marchands de contrebande,
& payent une rouble par pièce à lacaiffe impériale,
qui reçoit maintenant plus d'argent que de pelle*
teries.
La Sibérie offre d’autres richeffes. Nous .avons
parlé à l'article Russie des, mines d’argent d'Ar-
gun, 8c des autres qu'on exploite en Sibérie*
Nous avons indiqué la quantité des métaux qu'elles
produifent.
On dit qu'il faut être bon connoiffeur pour
diftinguer les topafés de la Sibérie d’avec les topa
fes orientales. On trouve de petites, pierres d'agate
çà & là dans le canton d’Argun , au milieu
des plaines fablonneüfes ou fur lès bords des
fleuves 8c des lacs.
On diftingue en Sibérie trois fortes d'habitans, les
anciens habitans , les Tartares & les Ruffes. Parmi
les premiers & les féconds, les uns font tnâhomé-
tans , d'autres furyent la religion naturelle , d'autres
font èncôrre idolâtres.
Parmi les anciens habitans on compte :
i ° . Lçs Wologulitfchiens , ou Wogule.
2°. Les Samoièdes.
3°. Les Jurakiens.
: 4°. Le? Oftiakes , ou - A ftakes , ' qui- fe nomment
entre eux C.houti ou Konni-jung, & que les
Tartares appellent.Yfchtuk.
• 5°. Les Tungufes, peuplade nombreufe & dif-
perfée dans les provinces de Jenifeisk & dTr-
kutzk.
6°. Les Burattes, appelles Brazki par lés Ruffes,
forment la deuxième branche principale des Cal-
mouckes.
si y 9. Les Jakutiens, qui habitent les contrées
inférieures du fleuve de Lena.
- Les Jukagirs j dont la plupart habitent les
montagnes qui fe prolongent yers la mer glar
ciale.
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96. Les Tfchuktchi, qui habitent le coin lé
plus reculé de la Sibérie vers le nord-eft, entre les
fleuves d'Anadir & de Kolyma, & dont les Sche-
lagi font une branche. On peut voir dans le dernier
voyages de Cook comment la douceur 8c la
bonté de ce navigateur , qui defeendit fur leurs
cô te s , a déterminé leur foumiflion à la R u ffie ,’
qui jufqu'alors n'avoit pu les rendre tributaires. ;
f f f Les Korjaki demeurent aux environs du
golfe de Penfchinsk, & à l'entrée de la prefqu'ifle
de Kamtfchatka.
r i° . Les Kamtfchadales , qui habitent la pref-
qu ifle de Kamtfchatka , font un peu plus civi-
lifes nous en avons parlé dans un article particulier.
F'oyei K amt sch atka.
Les Tartares habitent les diftriéts méridionaux
des fleuves de Tobol , de l'Irtifch , de l'O b y ,
de Tom & du Jenifei, ainfî que les déferts fitués
entre ces fleuves. G'eft le premier 8c le principal
peuple de la Sibérie ; ils font mahométans ou
payens.
On trouve en Sibérie un grand nombre de
ruffes , , qui font venus s’établir dans ces contrées :
après la conquête, mais la plus grande partie font
des fugitifs. Ils ont formé une quantité affez con-
lïdérable de v illes, d'oftrogs, de bourgs & de
villages. Tous ces édifices font en bois. La plupart
des villages ont reçu le nom des payfans qui
en ont pofé les premiers fondemens , & il y en
a peu qui aient pris le nom des rivières près def-
quelles ils font placés.
Les malheureux qu'on envoyé en Sibérie,
comme prifonniers d 'Etat, font gardés 8c nourris
aux dépens de la couronne, dans des mai-
fons fortifiées j quelques-uns ont une liberté ref-
treinte , d'autres font, réduits à l'efclavage , &
font obligés de travailler aux mines , fur les vaif-
feaux & aux fortifications. Plufîeurs desi marchands,
infolvables & débiteurs dé. la couronne
qu'on relègue en Sibérie, y trouvent plus de
reffource pour rétablir leurs affaires qu'en Ruffie
même, car le commerce ne leur eft point défendu
5 & la Sibérie eft moins un exil pour eux ,
qu'une demeure avantageufe & defîrable.
Nous avons donné à l’article Russie , d’affez
longs détails fur le commerce de la Sibérie, &
du commerce qui fe fait par la Sibérie avec les
Chinois. Un marchand Rufle qui entreprend un
pareil voyage, eft long-tems éloigné de chez lui i
il part de Mofcou au priruems, il arrive en
été j à la foire de Makariew , &r vers le mi:
lieu de l'année fuivante à celle d'Irbit. Il tâche
a celle-là, d'échanger une partie de fes marchand
e s : contre d'autres qui peuvent lui être plus
avancageufes à la fécondé j & à celle-ci ^ il s'oc-
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cupe du commerce Chinois. S'il lui refte ries
marchandifes qu il n'a pu vendre avantageufe-
ment à Irkutzk , il cherche pendant l'hiver à
Ven débarafler à Tobolsk. Il part de cet endroit
au printems, il fait fon commerce par-toute la
Sibérie , & revient en automne à Irkutzk , oii
lorfque là glace l’en empêche,’ il arrive à l'entré'e
de l'hiver à Kiachra, bourgade où fe font les
échangés des RuflTes & des Chinois j & au printems
il revient à Jakùtzk. Il fe rend d'ailleurs
aux foires d’Irbit 8c de Makariëw , 8c il revient
a Mofcou après une abfence de quatre années &c
demie. On dit que s'il a été intelligent & heureux,
il doit avoir gagné au moins trois cens
pour cent.
Principe de l’hiftoire politique de la Sibérie.
Le grand nombre de moriumens antiques que
Ion voit dans^ les partiés: méridionales de la Sibérie
, font préfumer avec .beaucoup de vralfêm-
blancequ’elles apprartinrent au royaumede Géngi*;.
Kan , ou qu’au moins elles étoient habitées par des
peuplés fournis à ce conquérant. Les Ruffes eurent
les premières connoiffancës ’ de la- Sibérie , p<nt
les Permiens, les' Wogul's 8c Samojèdes Mnais
elle leur fut mieux connue fous le règne d uC zarî
Iwan-Wafiliewicz , qui régna fur quelques cantons,
8c comprit la Sibérie parmi fes titres. Au ica,
habitant de Solwyftchegodska , qu’ on regarde
comme un des ancêtres des comtes Sc barons
de Strogahow , y fit- un commerce avantageu
x , 8c rendit compte à la cour de ce qu’il
favoit de ce pays 8c de fes habitans. Quelques
milliers de Cofaques Dohiens , firent des èx-
curfions fous la conduite'-dé leur c h e f, Jermakl
Timofee-w , dans les environs de l’Occa du
Wolgà 8c de la mer-cafpienne-; -iis’"pillèrent le^
villes qu ils rencontrèrent j mais ilé ’furpnt tellement
refferrés par des troupes,'que l'oh éirvoyà
contr'eux, que ne pouvant plus retourner chez
les Cofaques , ils fe réfugièrent vers lés' bords
du fleuve Kama. Ceci arriva en i f f t . Ces C c -
faques qui étoient au nombre de fix mille , s'ara
rêtèrent quelques tems chez Maxime Stroganow"
8c dirigèrent en 1J78, leur route vers la Sibérie]
mais leur projet s ’en alla en fumée. Us le reprirent
de nouveau en 15 7 9 , arrivèrent en r rg0
par le fleuve T a ra , à la petite ville Zim»i ou
Tfchimgç ou Tumen , & s’en rendirent maîtres.
Après s’être emparés l’année fuivante, de Ka-
ratfehin, 8c de la ville dé Sibir, qui étoir la
réfidence du Kan Kuftcham , ils fournirent beaucoup
de Tartares, d'Oftiakes & de Vogulés. Jér-
mak voyant qu’il ne pourroit garder ces conquêtes
fans un renfort de troupes 8c fans un attirail
de^guerre Européen , envoya'la même année
i j b i , d'ës députés à la cour du Czar à Moi-
cou , pour lui faire .part de fes fu c cè s ; & lui'
offrir, les domaines qu’il venoit d’envahir. Jet