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les plus néceflaires, ignorées ou avilies jufqu’ albrs,
fixèrent les premiers regards. On ne tarda pas à
connoître les arts de commodité ou d'agrément.'
La jeune noblefle alla Ce former dans tous les Etats
de l'Europe qui offroient quelque genre d’inftruc-
tion. Ceux des citoyens qui s'étoient éloignés d’un
pays depuis long-tems ruiné & dévafté, y rapportèrent
les talent qu'ils avoient acquis. L'ordre,
l'économie politique, les différentes branches d’ad-
miniftration devinrent le fujet de tous les entretiens.
Tout ce qui intéreffoit la république fut
mûrement difcuté dans les affemblées générales,
& librement approuvé ,. librement cenfuré par des
écrits publics. 11 parut fur les fciences exactes, des
ouvrages lumineux qui méritèrent d’être adoptés
par les nations les plus éclairées. Une langue , juf-
qu'alors barbare 3 eut enfin des. règles, 8c acquit ,
avec.le tems, de laprécifion & de l'élégance. Les
manières & les moeurs des peuples éprouvèrent
des variations encore plus néceflaires 8c plus heu-
reufes. La politefle , l'affabilité , l’efprit de communication
remplacèrent cette humeur farouche
& cette rudelfe de caractère qu'avoit laiflees la
continuité des guerres. On appella des.lumières de
tous les côtés. Les étrangers qui apportoient quelques
inventions 3 quelques connoiffances utiles,
étoient accueillis.
Remarques particulières fur Phif oire de la Gothie.
On ignore à quelle date précife les roi particuliers
de la Gothie commencèrent : en- reculer
l'époque fur la foi de quelque chroniques , juf-,
qu'au tems-de Gerhar } fils de Magog, & petit-fils
de Japhet, c ’eft avoir peut-être trop de complai-
lancé pour la vanité des hommes} 8c ne le placer,
au contraire, comme le font d'autres, qu'au règne
de Dygue ,.qui defcendoit du grand Odin , & qui
vivoit quatre cens ans après Je fus,- Chrift , c’eft
peut,- être aufli fe borner avec trop de timidité,
aux temps où l'hiftoire du nord paroît être authentiqué.
Quoi qu'il en-foitj on fait que ces rois particuliers
prirent fin l'an 1132 ,, à la réunion que
Suercherfir alors du royaume de Suède & de celui
des Goths : on fair auflîqu'à la fuite-de cette réunion,
]a couronne des deux royaumes , fut alternativement
portée par des princes originaires de
Lun & de l'autre pays. Il yavoit des familles-royales
dans les deux contrées 5-elles n'héritoient pas
du fceptre, mais on croit dans l'ufage detie donner
par choix, à l'un-de leurs-membres 3 & il y eur
de l'an 1162 à 1222 , tantôt un roi g o th & tantôt
un roi fuédois. C et' arrangement: ne- pou voit pas
durer: on vit bientôt que pour monter fur un
trône fi bizarrement éleéfctf, il y auroit toujours
du fang à répandre, 8c que même pour s'y mainten
ir , il faudroit ufer fans cëlfe ou de violence ou
de fôuplëffe ; extrémité trop dahgereufe , pour
pouvoir contribuer à la gloire des princes , ou au
bonheur des fujets. Dès l'an 1222 , il ne fut donc
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1 plus queftion en Suède de la famille royale desT
Goths 3 mais la Gothie ne perdit pas fon titre
de royaume , 8c l'on fait qu’encore aujourd'hui il
fait partie de ceux que porte le roi de Suède.
On divife là Gothie en orientale, en occidentale
& en méridionale. L ’orientale comprend
i°, l’Oftrogothie , où font en tr'autres les villes de
• Norrkîoeping, de Soederkioeping , de Linkioe-
ping & de Wadftena, 8cc. 20. le Smaland , où'
font les villes de Calmar , de W e fte rw ick , de
Wexiæ, de Joenkioeping, &c. $°. L’ifle d’OSland,
où eft Borgholm. 4.0. L ’ifle de Gottland où eft
Wifby.
; L'occidentale comprend : i° . la Weftrogothîe ,
,où font les villes de Gothenbourg, d'Alingfoehs,
d'Ulrichamn, de Scara, deFalkioeping/&c. 20. Le
Woermeland , où font Çarlftad , C h liffin-æharnn,
.& c . 3Q. La Dalie, où efi Amoeel. 40. Le fief de
: Bohns, où font Kongshell , Marftrand Karf-
tein, & c .
La méridionale enfin, jadis.fréquemment envahie
par les danois , que la Suède pôfsède;
en vertu du traité de Rofchild dè l'an ié ‘j8
C comprend r i° . la- Scanie , ou l'on trouve
; Mal ni 0 e , Lande , Landfcrone ,, Helfingbourg,
-, Chriftïanftadt, &c. avec l'ifle de Ween. i°. Le
Halland , où font Laholm , Halmftadt, Falken-
berg, Wardbérg, & g. 3:0. Le Blècking, où font1
-Carlfcrone, Carlshamn, &c-.
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D e s révolutions dans la forme du gouvernement de
Suède , de fa forme aUuelle , & du peu dejuccès
de la dernière diète.
La forme du gouvernement fuédois a fréquemment
varié. Avant'l'avènement de Guftave I,. fondateur
de Iamaifon de Vafa, c-’étoit une monarchie
purement é l e â i v e & affligée par cela même de
: tous les maux infép'arâbles de cette efpècede gouvernement.
Le traité d'union conclu à Calmar eu
1397,-ordonnoit que le Dannemarck, la Suède 8c
la N o r v è g e n’eufîent qu'un même roi qui feroit
élu par les députés des états des trois royaumes
affemblés a Calmar.. Tanv.qù’on obferva ce traité ,
la Suède ne fut qu'un' état tributaire des rois dè
Dannemarck', ou fi elle réuflîflFoit pendant qiiel-
1 qlies momens-à fecouer le joug, elle fe plongeoit
dans toutes les horreurs qui fuivent les guerres
.civiles & étrangères;
; Gnftave Vafa la-délivra de-cet état alternatif
d’oppreflion & d'anarchie-, & la reconnoiflance
;des fuédois lui valut la royauté. Ils la poufsèrent
!j niques à renoncer en fa faveur au droit d'élire'
■ leurs rois, & déclarèrent la-couronne héréditaire
en.faveur de fes defcendans mâles. La forme du*
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■ gouvernement établie à cette occàfion paroiflbit
Jaifler l'autorité fuprême à raffembiée des états ,
mais «IIe\accordoit en même-tems au roi les prérogatives
les plus étendues.
C e pouvoir de la couronne lui relia à-peu-près
en entier jufques à Gui-lave-Adolphe qui l'accrut
..encore, & qui fit a (Tarer en même-tems la fuccef-
‘-fion a fa fille Chrilline. Mais durant la minorité
de cette princeflfe , le fénat ayant réufli à étendre
Ton autorité, la balance commença à pencher du
-cote de l'âriftocratie ou du pouvoir de la noblefle }
& par des u fur parions fucceffives, ce pouvoir de- 1
•vint fi exorbitant que lesitrois autres ordres du
clergé, des bourgeois & des payfans, en furent alarmés
& indignés. Enfin Charles XI fe feryant habilement
de leurs difp^fîtions, obtint des états la
fouveraineté abfolue , & il la tranfmit fans .aucun
•trouble à fon fils Charles XII. A la mort de ce
prince, Charles-Frédéric duc de Holflein, fils de
fa foeur aînée , auroit dû monter fur le trône en
yertu de l'ordre de fucceffion établi par Charles
X I. Mais les fuédois , au mépris de cette lo i , lui ;
donnèrent l'exclufion , & couronnèrent Ulrique-
Eiéonore , foeur cadette de Charles XII , qui
n'ayant d'autre titre que la volonté de la nation ,
paya cette faveur de l'abandon de l'autorité abfo-
Jue, & ,en confirmant toutes les limitations qu'il
.plut aux états d'apporter à la prérogative royale.
Son époux Frédéric I , en faveur'duquel elle réfigna
la couronne, s'affura l'approbation des états par
iin femblable facrifice.
Lapouvelle forme de gouvernement établie à
cette dccafion étoit coinpofée de cinquante-un articles
qui tendoient tous à reflreindre le pouvoir ■
du roi , & à en faire le fouverain le plus limité
•de l'Europe. L'hiftoire de la dernière Tévolution
de Suède par M. Sheridan, fournit fur ce point
..des preuves fans nombre.
L'autorité fupr.ême légiflative , appartenoit ex-
clufivement à la diète feule qui devoit s'aflembler,
■ que le roi la convoquât ou non , tous les trois
ans., & ne pouvoit être diflfoute que quand elle y
confentoic. Pendant qu’elle étoit aftemblée, l'autorité
du roi & celle du fénat reftoient fufpendues.
Dans l'intervalle d'une diète à l'autre , le pouvoir
exécutif appartenoit au roi & au fénat, mais le
roi étoit obligé de foufcrire à la pluralité des voix
des fénateurs. 1.1 n’avoit que deux voix dans le fénat
, & il en dépendoit tellement, qu'il n'en étoit
•que le préfident. En même-tems le fénat lui-même
.dépendoit,abfoiument des états , car quoique les
fénateurs ■ Tu lient élus pour leur vie ils étoient
tenus de rendre compte à cette aftemblée, qui pou-
■ voit à for. gré les continuer dans leurs offices ou
les deftituer. Ainfi l'autorité fuprême réfidoit dans
une aftemblée tumultueufe compofée de quatre
ordres ,, dans lefquels on admettoit des nobles qui
■bs poifédoient rien, des marchaîids 8c. des pâyfans
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du plus bas état. Par cela même suffi plufieurs de
ces gens-là étoient fujets à la corruption , ou aux
préventions que la pauvreté & l'ignorance rendent
inévitables. Le roi ne pouvoit.s'oppofer à rien.
Quoiqu'il fignittoutes les expéditions, pour qu'il
ne pût ufer de ce droit contre la volonté du fénat,
la diète de 1756 avoir ordonné que fa fignature y
feroit mife au moyen d’une eftampille , quand il
•la refuferoit. En un mot le roi n'avoit prefque que
le nom de la royauté, il n'étoit qu’un inftrument
oftenfible entre les mains des chefs de l'un ou de
l'autre parti qui fe partageoit l’autorité , & qui
gouvernoit l'Etat, fuivant que l’un ou l'autre a voit
la fupériorité dans.la diète.
On ne peut s'empêcher de remarquer à cette oc-
cafion que les fuédois qui fous le règne de Charles
X I & de Charles XII s'étoietu fournis au defpo-
tifme de leurs fouverains avec tant de répugnance,
ne favoient plus ufer de la liberté depuis qu'ils
l’avoient recouvrée.. Ils fe jettèrent aveuglément
dans l'extrême oppofé, & voulant ôter .au'roi tout
moyen de fe remettre en polfeflîon du pouvoir arbitraire
, ils le dépouillèrent de ces prérogatives
qui dans les conftitutions monarchiques font abfo-
lument néceflaires pour oppofer une barrière aux
ufurpatïonsyde l’ariftocratie & aux factions turbulentes
du peuple.} comme s'ils euflervt ignoré qu’il
y a un milieu à prendre» entre le defpotifme 8c
l'anarchie , entre la licence & la fervitude.
Les vices de cette nouvelle forme de gouvernement
firent naître des débats , & des contefiations
perpétuelles entre les rois de Suède 8c leurs fujets,
les uns voulant accroître leur pouvoir, les autres
le reftreindre encore.
Ces combats, où alternativement on triomphoit
& l’on fitccqmboit, jettèrent une grande inhabilité
dans les réfolutions publiques. C e qui avoir
été arrêté dans une diète étoit prohibé dans la fui-
vante , pour être rétabli de nouveau & de nouveau
réformé. Dans le tumulte des paflions , le b en
général étoit oublié , méconnu, ou trahi. Les
fources de la félicité des citoyens tarifloient de
plus en plus , 8c toutes les branches de l'adminif-
tration portoient l'empreinte de l'ignorance , de
l'intérêt ou de l'anarchie. Une,.corruption la plus
ignominieufe peut-être, dont jamais aucune fo-
ciété'ait été infeétée, vint mettre le comble à tant
d'infortunes.
Deux fitdions , dans lefquelles toutes les autres
s^étoient fondues, divifoienr l'Etat. Celle des chapeaux
fembloit occupée du projet de rendre à la
Suède fes anciennes forces, en recouvrant les riches
pofteffîons que le malheur des guerres en avoit
réparées- Elle s'étoit livrée à la France qui -pouvoit
avoir quelque intérêt à favorifer cette ambition:.
La fa<ftion des bonnets étoit déclarée pour la
tranquillité. Sa modération l'avoir rendue agréable
à la Ruflie , qui ne vouloir point être traverse
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