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époque que la RuJJîe fut prefque entièrement envahie
par les Tartares 8c par les Polonois. Jwan-
Walïlïe'wicz, qui régna vers le milieu du quinzième
fiècle, fecoua le joug des Tartares , fe rendit
maître de Cafan , fournit les petits princes rulfes ,
& commença à pofer les fondemens de la grandeur
adtuelle de Tempire mofcovite. Son fils , Va-
fili-Jwanowicz fut inquiété par les Tartares de
Cafan, & mourut fans les avoir réduits. Son fils
& fucceffeur, Iv a n -W a filiew ic z I I , reconquit
Cafan pour la dernière fois , prit poffeflion d’Af-
trakan, & ravagea la Livonie ; mais il ne fut
heureux ni contre les Polonois , ni contre les
Suédois. La RftJJîe doit à ce prince beaucoup de
çhangemens avantageux : il attira une foule d'étrangers
dans fés états. Les Anglois découvrirent fous
fon règne, en 155 3 ,la route pour aller à Arçhangel,
& la Sibérie fut incorporée à la monarchie Rufife.
La févérité d’ I v a n envers fes peuples fut extrême :
I v a n mourut en 1584. Son fils F é o d o r - Iv a -
n o v i t z fut le dernier de cette race , & après fa
mort les faux Démétrius jettèrent la RuJJîe dans
La plus grande confufîon. Michel - Fédrovitsch
éleva la maifon de Romanov fur le trône en
2612, & ramena, après beaucoup de peines, le
calme dans fes états. Son fils Alexei-Michailovicz
enleva aux Polonois Smolensko, 8c une grande
partie de L’Ukraine. Il eut deux femmes, qui lui
donnèrent trois fils. L’aîné, Fédor, fut heureux
dans la guerre contre les Turcs. Ses deux frères,
I v a n & Pierre régnèrent d’abord enfemble; mais
après bien des troubles , Pierre gouverna feul.
C e prince » dont la grandeur fauvage a fu t une fi
vive impreflion , ajouta à fes états, par le traité-de
Nyftadt, Flngermanie,. la Livonie, & une partie de
la Carélie; commença la civilifatron de fes fujets,
}?âtit la ville de Pétersbourg, & y fixa fa demeure 5
il bâtit auffi les villes d’O lo aetz , de T a v r o v , de
P e t r o v s k , de Crônftadt, de Nèu-Ladoga, & de
CathrirteftSourg outre plufieurs fortereffes ; il éta:
blitune marine, améliora l’état militaire 8c eccléfiaf-
tique, introduifit les fciences & les arts dans fon
pays, fit défricher dés contrées incultes, mit Jes
manufactures & le commerce fur un meilleur pied.
Il mourut en 1723 : il avoit époufé, en 1694,
Èudoxie Féôdorovna , qu’il répudia î il l’envoya
en 1699 au couvent de Sufdal, où elle fe fit
religieufe , 8c prit le nom d’Hélène : de-la elle
fut transférée à Ladoga comme prifonnière 5 &
en 1725- à Schluffebourg 3 où elle fut réduite â
la misère jufqu’en 1727., que fon, petit-fils étant
monté fur le trône, la remit en liberté, & lui
rendit tous les honneurs dus Ji fon rang 5 elle
m'ourut en 1731. La fécondé femme de Pierre I
fut Catherine Ajexejevna,. qu’il époufa publiquement
en 1713 ,. & qu’il fit'couronner en 1724.
Catherine étoit de très - baffe extraction , mais
elle avoit beaucoup d’e fp r if, & elle fuccéda.à
Pierre-lé-Grand. Après.fa mort, arrivée en *727,
Pierre II A le x ie v ic z , petit - fils de Pierre I ,
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monta fur le trône ; il mourut en 1730 de la
petite-vérole , 8c Anne, ducheffe douairière de
Courlande, 8c fille du C zar Iv a n , devint impératrice.
Cette princeffe conclut en 17 3 a , avec la Perte
, uni traité par lequel elle ajouta à fes états les
provinces de Dageftan & de S’chhvan, mais elle
les reperdit bientôt après. Elle fit la guerre avec
fuccès contre les Turcs et les Tartares de Crimée;
enfin elle nomma en 1740 pour fon fucceffeur le
jeune Iv a n I I I , fils de la grande ducheffe Anne,
& du duc Antoine Ulric de Brunfvick-Wolfen-
buttel ; ce prince fut détrôné avec fa mère, qui
avoit la régence; 8c Elifabeth, fille cadette de
Pierre I s’empara du gouvernement en 1741.
Cette princeffe conclut un traité avantageux avec
la Suède à A b o , & déclara grand duc de RuJJîe
le fils de fa foeur Anne, Pierre Ulric, duc de
Holftein , après qu’il eut embraffé la religion
grecque , & reçu le nom de Pierre Fédrowicz.
C e prince monta en effet fur le trope le 5 janvier
1762; mais il fut dépofé le ? juillet de. la
même année, & j,1 mourut à Ropfcha peu de
jours après.
A l’époque de fa m ort, Élifabeth faifoit la
guerre au roi de Pruffe de concert avec les cours
dp Verfailfes & de Vienne; & elle avoit lieu
d’en attendre une prompte 8c glorreufe fin. Les
reffources de Frédéric étoient prefque .épuifées ;
fa réfiftance vigoureufe & accompagnée de fuccès
fembloit fur le point d etre vaincue, par le nombre
& la perfevérance de les ennemis. Mais Pierre ne
! fût pas plutôt monté fur le trône, que focrifiant
; toute confédération à fon enthoufiafme pour le
monarque pruffien , un. de fes envoyés alla à
Berlin avec ordre de lui propofer une prompte
réconciliation. Cette offre fut acceptée fans dé-
i la i, & on conclut auffi - tôt une trêve. Pierre
rappella les troupes ruffes qui fervoienf dans
; l’armée autrichienne , 8c il envoya peu de tems
après un fecours de vingt mille hommes à fon
héros. Ainfi dans -l’efpace de quelques mois,
des Ruffes fe joignirent à l’armée pruflienne pour
chaffer de la Siléfie. les mêmes Autrichiens
auxquels des armées ruffes avoient ouvert p,eti
de tems auparavant l’entrée de cette province.
Ayant ainfi fuivi fon inclination fans confulter
fes alliés, ni l’intérêt 8c. l ’honneur de fon.empire,
il n’afpira plus qu’à reconquérir l’héritage de
fes peres , y e ft -à dire la partie du duché de.
S le fy ick qu’iUs avoient autrefois poffédée, & il
fe difpofpit à entraîner fes fujets dans une guerre
difpendieufe contre le roi de Danemarck , à l’oc-
cafion de ces prétentions, que bien des gens
regardoient comme, chimériques 8c mal fondées.
Pierre réclamoit ce petit Etat dans fa qualité de
duc de Holftein, quoiqu’il eut été cédé an Danemarck
par un traité, en 17.32 ; & immédiatement
après fa paix avec le roi de-Prulfe, il fit avan-
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Cer une armée fur les frontières de Holftein, qu’il
fe propdftoit de commander en perfonne. - ’
A l’égard de l’adminifttation intérieure de fes
Etats, il porta fon attention fur divers plans de
réforme, & on ne fauroit nier, que malgré fa
précipitation 8c fon imprudence , la Rujfie ne lui
doive plufieurs çhangemens utiles & importans.
En effet, ce prince fupprima le conteil fecret, ou
l’inquifition d’ état (1 ) > il abolit plufieurs privilèges
oppreflifs 8c tyranniques ; il forma le def-
fein de corriger les abus qui s ’étoient gliffés dans
: les tribunaux, & de leur donner un fyfteme de.
jurifprudence plus régulier 8c moins vicieux. Il
affranchit la hobleffe de l’obligation où elle étoit
de fervir dans l’armée , 8c lui permit de voyager
hors de l’empire , ce qu’elle ne pouvoit faire
auparavant fans une perraiflion expreffe du fou-
verain. ■
Les fîx premières femaines de fon règne, Pierre
propofa tant d’ utiles règlemens , & les accompagna
de tant de réflexions judiçieufes , que plufieurs
perfonnes avouèrent qu’elles l’aVoient mal
jugé. Elles imaginèrept même qu’il avoit affe&é
; à deffein de paroître un homme inconféquent par
des motifs politiques , fous le règne d’Elifabeth.
Mais’ la conduite qu’il tint dans la fuite prouva
bien qu’ il étoit toujours le même, c’eft-à-dire
un prince très foible & très-imprudent ; que s’il
avoit allez de fçns pour accepter les plans que
d’autres lui fuggéroient, il n’en avoit pas alfez
pour les exécuter à propos ; qu’il avoit la fureur
de vouloir tout réformer, fans le jugement
néceffaire à un réformateur.
Les bons règlemens dont on a parlé, étoient
accompagnés de projets ridicules & puériles ; il
y en avoit de pernicieux , 8c parmi ceux qui
étoient en eux - mêmes utiles 8c convenables ,
plufieurs ne pouvoient être propofés fans danger
au commencement d’un règne, parce qu’ ils étoient
contraires aux moeurs & au génie de fon peuple.
Il irrita le clergé en fécularifant les biens des
monaftères i & en. leur alignant à la place, des j
penfions très-inférieures aux revenus de ces biens;
i en défendant qu’on y reçût des novices avant
l’âge de trente ans , & en faifant ôter des églifes
beaucoup d’images de faints. Il exila l’archevêque
de Novogorod , qui avoir, refufé de fouferire à
cek nduveautés , & Voyant énfuite que cer aéle
’ de pouvoir arbitraire ^aufoit un mécofttenVeniént
géiiérâl , 'il fut oblige de le rappellér. Comme
il avoit été élevé dans la religion luthérienne,
il n’avôit embraffé la grecque que pour monter
| fur le trône, & dès qu’il fe crut affuré de la
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couronné, perfuadé que la diflîmulation lui de-
venoit inutile , il laiffa voir publiquement fon
mépris pour- les rites & cérémonies qui étoient
l’objet du plus profond refpeét de fes fujets.
Il offenfa l ’armée par les préférences qu’ il ac-
cordoit à fes gardes de Holftein , par l ’introduction,
de la difeipline pruflienne, & par les nouveaux
uniformes qu’il donna à plufieurs régimens;
mais il offenfa fur-tout les gardes, accoutumés à
refter dans la capitale , en ordonnant à deux régimens
de fe rendre en Poméranie où s’affembloic
l’armée deftinée à agir contre le Danemarck. Il
bleffa la nobleffe en créant fon oncle le prince
de Holftein , généraliffime de fes armées , & en
accordant fa principale confiance à des étrangers ;
il excita une haine générale contré lu i, en témoignant
publiquement fon mépris pour la nation
ruffe, pour fes .manières & fa religion ; il déplut
enfin à fes fujets pour avoir engagé l’Empire dans
une guerre avec le Danemarck ; guerre qui fem-
bloit tout-à-fait étrangère à fes intérêts.
• L ’impératrice a&uelle lui fuccéda : elle confir- î
ma le traité conclu avec la Pruffe » & fe fit, facrer
& couronner à Mofcou le 5 Oâobre. Le règne
de cette princeffe fera célèbre dans les annales
de la RuJJîe , 8c il n’eft aucun pays du monde
où une femme ait tenu le feeptre avec tant d’é clat.
Nous avons dit à l’article C rimée & à l’article
O t t o m a n E mpire , ce qu’ elle a gagné
corître les Turcs : nous y avons parlé de fes
projets ultérieurs ; 8c on verra dans le cours
de celui- ci que la RuJJîe lui doit une foule dé
réformes 8c d’établiffemens utiles.
S E C T I O N I I .
Remarques fur le gouvernement de RuJJîe , & fur la
loi de fuccejjîon au trône.
La puiffance des fouverains de la RuJJîe ne
connoît ' point de bornes; 8c à quelques égards
leur defpotifme eft moins contenu qu’en Turquie.
Ils n’ont d’autre frein que la crainte des
révoltes ; mais cette crainte eft plus forte que
dans les contrées asiatiques. Ils prenoient jadis
dans les écrits publics le titre de grands-ducs ;
Ivan Wafiliewicz fe fit couronner en 1547 en
qualité de czar 8c de grand-duc. Le grand-duc
eft appellé en Ruffe welkikujas , & non pas
goffudar, La bible ruffe 8c l’efelayonne employenc
le mot %ar pour lignifier un roi ; 8c les. chroniques
ruffes’ donnent auffi le nom dé f a r aux
| empereurs grecs. Les interprètes de Mofcou. ont
, ( 1 ) Cçtrq.iinquiffcioif ttfécaç .ayoic été inyomèe ipar Alexis Michælovicch. Elle confiftoic daiü tin comité fe c r e t , établi pour
Iqgei; 4jesi.fujets, foypço^nés çle llautc crahiÇon ; .le plus-:léger foup.çon fuffifoit pour faire arrêter des-perfonnes de toirc
rang êc de tout fexe , pour leur faire fouffrir las plus cruelles tortures. : il fu fb fo ij que quelqu’ iin pro nonçai contre^«*
autre ces paroles confacreés fiàvo i delo , c’ efï-à-clirc , je dis le m o t , pour que le dernier fût auffi tôt arrêté 6c conduit uc